Le 28 avril 2024, il y a neuf (9) mois, j’exprimais l’idée qu’il convenait de profiter de l’enthousiasme suscité par le Navétane pour renforcer le civisme : suspendre les multiples organisations qui le gèrent et les rationaliser en ne laissant qu’une seule entité prenant en compte à la fois l’aspect culturel et civique. Cerise sur le gâteau, le Président de la République, Son Excellence Diomaye Faye, vient de rappeler l’urgence de réformer ce secteur.
Pour rationaliser les Associations Sportives et Culturelles (ASC), il serait important, à mon avis, au-delà de la réforme de l’ONCAV par une structure plus adaptée aux nouvelles réalités, de mettre en place une plateforme nationale centralisée et régulée. Les critères d’affiliation et de validation des équipes devraient reposer sur des conditions strictes et transparentes. Cette plateforme ne devrait pas se limiter aux Navétanes, mais s’étendre à toutes les compétitions sous la tutelle du ministère des Sports, de la Culture et de la Jeunesse. Je propose à l’État une stratégie structurée pour y parvenir :
I. Création d’une plateforme nationale centralisée pour la validation des ASC participantes
J’invite l’État à développer une plateforme numérique nationale unique qui servira de point de référence pour toutes les ASC. Cette plateforme devra intégrer des outils de gestion, de suivi et de reporting pour assurer une transparence totale. Toute ASC ne validant pas son dossier ne devrait pas être autorisée à participer.
II. Critères d’affiliation stricts
Statut juridique : Exiger que chaque ASC soit enregistrée légalement et dispose de statuts conformes à la législation en vigueur avec un cahier de charge à remplir dans les domaines économique, éducatif, civique, sportif et culturel.
– Gouvernance : Imposer une structure de gouvernance claire, avec un conseil d’administration élu et un responsable désigné pour la gestion financière.
– Transparence financière : Obliger les ASC à fournir des rapports financiers annuels audités, garantissant une gestion saine et responsable des fonds. Évaluer leurs engagements en faveur du respect des règles et de la discipline avant, pendant et après les compétitions. À défaut, elles ne pourront pas participer aux Navétanes.
– Projet sportif, éducatif, civique et culturel : Exiger un projet détaillé, incluant des objectifs, un plan d’action et des indicateurs de performance.
III. Mise en place d’une Direction Nationale de Contrôle de Gestion (DNCG)
– Rôle de supervision : La DNCG serait chargée de superviser l’ensemble des ASC, ainsi que toutes les organisations sportives (fédérations, clubs de football, de basketball, de handball, écuries de lutte, entre autres), à travers la plateforme numérique, en veillant au respect des critères d’affiliation et en contrôlant régulièrement leur conformité.
– Audits réguliers : La DNCG organiserait des audits annuels ou biannuels pour évaluer la gestion financière, la gouvernance et la réalisation des objectifs fixés.
– Sanctions et récompenses : Mettre en place un système de sanctions (avertissements, suspensions, exclusions) en cas de non-respect des règles, ainsi que des récompenses (subventions supplémentaires, certifications) pour les ASC exemplaires.
IV. Formation et accompagnement
– Offrir des formations aux responsables des ASC et de toutes les organisations sportives sur la gestion administrative, financière et sportive/culturelle, en collaboration avec les écoles de formation, l’INSEPS, le CNEPS, ainsi que les écoles de formation du secteur de l’enseignement privé, à travers un partenariat de transfert de compétences.
– Mettre à disposition des outils et des guides pratiques pour faciliter la mise en conformité et la gestion quotidienne.
V. Communication et transparence
– Rendre publics les rapports d’audit et les décisions de la DNCG pour renforcer la confiance des parties prenantes (membres, sponsors, partenaires).
– Créer un espace de dialogue entre les ASC, les organisations sportives et la DNCG pour favoriser les retours d’expérience et les améliorations continues.
Je le dis parce que le football sénégalais, tel que l’écosystème national est actuellement conçu, ne favorise pas une gestion efficace des sports. L’État n’a malheureusement pas mis en place des mécanismes de développement permettant d’éviter la situation actuelle de la FSF, de l’ONCAV, de la FSBB, du CNG, entre autres. Or, un écosystème bien structuré atténue les défis de la gestion humaine grâce à des mécanismes solides. Des mécanismes comme ceux fournis par une DNCG présentent des avantages qui permettent d’éviter la situation actuelle.
Les clubs et les fédérations seraient tenus de respecter des normes financières strictes, assurant une gestion transparente et responsable des ressources. Les contrôles réguliers et les audits préventifs permettraient de détecter et de corriger les fautes de gestion et les actes d’indiscipline avant qu’ils ne deviennent critiques. Cela réduirait sans aucun doute les risques de crise administrative et les scandales financiers, créant un environnement plus stable pour le développement du football.
En structurant ainsi la rationalisation des ASC et de tous les clubs ou organisations sportives et instances sportives nationales de gestion des sports, on garantit une gestion plus professionnelle, transparente et efficace, tout en renforçant la crédibilité et la pérennité de ces associations. Car, lorsque les mécanismes sont robustes, peu importe le niveau de corruption ou de passivité des acteurs, l’écosystème demeure stable, car ces mécanismes parviennent à tout équilibrer. Essayons donc de mettre en place des mécanismes solides pour garantir une meilleure efficacité.
Je suis moi-même Président d’une ASC (Baneto de Ziguinchor), je connais les risques et les enjeux, mais je pense qu’il faut vraiment ramener la quintessence des Associations Sportives et Culturelles à travers une meilleure réorganisation, accompagnée de mécanismes très solides. Cela nous permettrait de renforcer la pratique sportive, la valorisation culturelle et le civisme, pour un impact positif accru sur le quotidien de nos quartiers. Attaquons-nous aux racines pour que les fruits de l’arbre du mal ne poussent plus. Osons des réformes qui anticipent les tendances futures, même si elles peuvent paraître impopulaires aujourd’hui, mais qui s’avéreront bénéfiques à long terme.
VI. L’UASSU comme plateforme d’éducation aux valeurs sportives
Au-delà du Navétane, faisons en sorte que l’Union des Associations Sportives Scolaires et Universitaires (UASSU) devienne une véritable vitrine pour instruire les générations futures aux valeurs du sport et du civisme, afin de mieux combattre les racines de l’indiscipline dans les enceintes sportives, en commençant par l’éducation de base. Car, le véritable problème dans le sport reste l’indiscipline administrative des dirigeants, verbale et physique des supporters, et la passivité des instances dont les textes sont obsolètes.
Le renforcement de l’UASSU sera un moyen efficace pour l’État de sensibiliser les élèves, qui représentent la jeunesse du pays, aux valeurs du sport afin de réduire les violences dans nos enceintes sportives. L’UASSU ne doit pas être une simple compétition, mais un terrain d’apprentissage où les jeunes développent leurs compétences athlétiques, renforcent leur discipline et leur esprit d’équipe, et intègrent également des valeurs de fair-play et de respect des règles.
L’État, en collaboration avec le ministère des Sports et de la Jeunesse, peut travailler avec le ministère de l’Éducation et la FIFA par le biais de la FSF, etc., afin d’intégrer l’éducation aux valeurs civiques et sportives dans les programmes d’Éducation Physique et Sportive. Pour lutter contre la violence dans les stades, l’État peut organiser des programmes de promotion des comportements responsables et respectueux, qui mettent en avant les valeurs positives du sport : le fair-play, le respect de l’adversaire, la tolérance, la loyauté, l’esprit d’équipe.
La FIBA, l’IAAF, entre autres instances sportives internationales, peuvent collaborer avec le ministère des Sports et le ministère de l’Éducation pour s’impliquer dans ces programmes afin de mieux lutter contre les violences et favoriser le respect des valeurs sportives. La collaboration avec la FSF pourrait, par exemple, aboutir à l’implication des internationaux, des formateurs CAF, de la FIFA, du CIES, etc., dans des programmes qui pourraient se dérouler dans les écoles, les clubs sportifs ou au sein même des stades pour toucher et sensibiliser plus de monde.
Les compétitions scolaires pourraient jouer un grand rôle dans l’éducation sportive des jeunes élèves en favorisant non seulement le développement de leurs compétences sportives, mais en leur inculquant également des valeurs positives citées dans mes précédentes contributions. Le sport est une industrie, un vecteur de développement, un facteur d’influence, et il faut l’accompagner par une loi d’exonération fiscale bien encadrée, tout en imposant aux clubs de remplir des critères précis pour être considérés comme des entités professionnelles par la DNCG.
VII. Progressivement durcir les règles du professionnalisme
Le professionnalisme au Sénégal reste une utopie, et il est temps que l’État prenne des engagements drastiques et réels pour accompagner les acteurs du sport dans ce processus. Il convient, par exemple, de voter un code du sport uniformisant la pratique sportive sur le territoire national, reconnaissant juridiquement les sports comme étant des métiers, de voter une loi d’exonération fiscale pouvant inciter les entreprises établies au Sénégal à sponsoriser les instances et les clubs sportifs de tous sports confondus.
En ce qui concerne le football, il faut être clair et stratégique. À partir de 2028, par exemple, l’État doit mettre en place une loi d’exonération fiscale des sponsors et stipuler que tout club de football ne disposant pas de 75 millions (en plus des garanties et assurances) ne peut évoluer en Ligue 2, et exiger 90 millions pour la Ligue 1 afin d’être considéré comme professionnel par la DNCG et le fonds de développement des sports (à créer). Il doit également créer une Direction Nationale de Développement des Sports, qui comprendra un Fonds National de Développement des Sports, chargé de rechercher des financements et des investissements, tant nationaux qu’internationaux, afin d’accompagner les organisations et les athlètes.
Le sport, qui peut générer plus de revenus, employer un plus grand nombre de personnes et exercer un impact (in)direct significatif sur des domaines connexes, ne dispose toujours pas de fonds de développement, contrairement aux cultures urbaines, par exemple. Il est vraiment temps que le Fonds de Développement des Sports soit mis en place pour mieux promouvoir la pratique sportive au sein de la population, soutenir les autres disciplines qui nous rapportent des médailles pendant les compétitions, mais qui restent souvent sous-estimées.
Le Sénégal était une vitrine du sport mondial, et nous avons perdu trop de places. Cependant, rien n’est perdu. Si nous avons vraiment l’ambition de récupérer notre place d’antan, nous devons le faire cette fois-ci avec une vision beaucoup plus structurée et efficace. Nous avons de nombreux atouts qui nous permettent de créer quelque chose d’exceptionnel, mais il nous faut une meilleure structuration. Tout est une question d’organisation, de stratégies et de mise en place de mécanismes pour mieux générer des revenus et alléger la charge de l’État.
J’insiste sur l’aspect juridique, car le cas d’Amara Diouf interpelle vivement l’État dans son rôle en matière de protection des mineurs. Un jeune footballeur, qui n’a même pas 20 ans, voit des adultes se disputer des millions d’euros sur sa tête, sans que l’État ne réagisse à travers le ministère de la protection de l’enfance.
Et, en poussant la réflexion plus loin, on se rend compte que toutes ces affaires Nicolas Jackson, Amara Diouf, entre autres, n’auraient pas été d’actualité si l’État avait mis en place, par exemple, une DNCG, qui aurait anticipé ces questions dès le départ. D’où la nécessité de créer des organes capables d’assainir l’écosystème. Elle (DNCG) pourrait même être intégrée dans des institutions telles que l’IGE ou être constituée de leurs agents, ainsi que des acteurs sportifs pour assister aux séances et prises de décisions pour constatations, entre autres, ce qui permettrait une meilleure gestion ainsi qu’une surveillance efficace des investissements et des finances publiques et privées dans le sport.
Certes, la question est brûlante, mais elle mérite une réflexion approfondie. L’État devrait comprendre qu’il perd des dizaines de milliards à cause de sa passivité ou de son manque d’observation lucide et efficace dans le secteur du sport, qu’il devrait structurer pour en tirer pleinement profit.