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Matar Niang légende du football sénégalais

Matar Niang «le maestro». Surnommé ainsi par le journaliste Mamadou Koumé dans son livre «La Saga de l’équipe nationale de football», il est considéré par les plus de 50 ans comme le plus grand talent de l’histoire du football sénégalais. Ancien joueur du Jaraaf, il est malheureusement fauché à l’âge de 35 ans par une crise cardiaque en France.

Faites les rues de la Médina et de la Gueule Tapée et demandez combien de moins de quarante ans connaissent Matar Niang. Ils seront assurément très peu. Pourtant juste après les indépendances sa relation avec le ballon rond était le spectacle le plus prisé. « On était ensemble à Malick Sy du CI au CEM2. Il ne voulait pas jouer à l’école Médine parce qu’il avait peur du mauvais œil. C’est à partir de la troisième au lycée Blaise Diagne qu’il a commencé à jouer », souligne son ami d’enfance et ancien coéquipier en équipe nationale Yatma Diop au micro de dsports.sn.

«Si Matar Niang avait vécu cette époque, il jouerait à City»

Plus tard, Matar Niang transposera son génie dans le mythique stade Demba Diop sous les maillots de l’équipe nationale du Sénégal, des Espoirs de Dakar et ensuite du Jaraaf. Ceux qui l’ont vu toucher le cuir dans l’enceinte de la Sicap le décrivent comme un magicien. Plein de fois, il les aura envoûtés avec un tour de magie dont lui seul avait le secret. Et ils sont émerveillés dès qu’on évoque son nom.

Yatma Diop, 81 ans, n’a pas besoin d’une machine à remonter le temps pour ressasser les exploits de son ancien acolyte. Son souvenir reste tout frais dans sa mémoire. Pour lui, il n’a pas d’égal. « Je sais que le Sénégal n’a pas eu la chance de le voir jouer longtemps, mais si Matar avait vécu cette époque il serait au Real Madrid, au FC Barcelone ou même Manchester City», laisse entendre Yatma Diop.

Doublé lors de la 1ère victoire du Sénégal en Coupe d’Afrique des nations

Né à Dakar en 1944, Matar Niang n’aura vécu que 35 ans. Mais il aura eu le temps d’inscrire son nom dans la légende et de laisser un souvenir mémorable à ses contemporains. Sa carrière s’est principalement déroulée dans les années 60-70.

« Matar Niang était un athlète aux capacités physiques exceptionnelles. Très intelligent dans le jeu et techniquement génial. S’il avait une faiblesse, ce serait peut-être son jeu de tête. Nous avons vécu dans les mêmes quartiers de la Gueule Tapée, de la Médina et Bopp. Nous étions inséparables », témoigne son ami Louis Camara. «Nous avons partagé énormément de choses». Comme cette première victoire du Sénégal en Coupe d’Afrique des nations. C’était en 1965 en Tunisie. Après un premier match nul 0-0 contre le pays organisateur, le Sénégal découpe l’Ethiopie (5-1). Les ‘’jumeaux’’ Louis Camara et Matar Niang signent chacun un doublé.

Camara devient pour l’éternité celui qui inscrit le premier but du Sénégal à une phase finale de Coupe d’Afrique. A l’époque, seul le 1er de la poule était qualifié directement en finale. Le Sénégal et la Tunisie étant dans une situation d’égalité, la CAF envoie le pays organisateur en finale au profit de la meilleure défense alors que les Lions avaient l’avantage de la meilleure attaque.

Le Ramadan et les conditions de regroupement lui font bouder la sélection

Matar Niang ne jouera pas la CAN suivante en 1968 à Asmara. «Nous étions regroupés dans des salles de classes à l’École nationale d’économie appliquée (ENEA). Ce qu’il a refusé», explique Yatma Diop qui sera un des meilleurs Lions à Asmara.

Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que Niang boude la sélection. Il avait déjà manqué des matchs des Lions parce qu’il refusait de rompre son jeûne. «Dès son jeune âge, il était déjà intransigeant dans ses croyances», souligne Louis Camara. « Il ne jouait au football que lorsqu’il en éprouvait l’envie » rajoute Mamadou Koumé, journaliste, auteur du livre ‘’La saga de l’équipe nationale de football’’.

Sa légende, il continue ainsi de l’écrire en club. Yatma Diop raconte : « en 1968, on réalise le doublé Coupe du Sénégal et championnat avec le Foyer France Sénégal (FFS). En finale de la Coupe du Sénégal contre l’US Gorée, il me dit ‘’Yatma reste en attaque et je te donnerai des caviars’’. Ce jour-là, je signe un triplé sur des passes de Matar Niang ». FFS noie les Insulaires 4-0. Ce qui reste depuis lors le plus large score en finale de Coupe du Sénégal.

Salif Keita : «le meilleur joueur d’Afrique s’appelle Matar Niang»

Des masterclass comme ça, il en réalise énormément dans sa carrière au Sénégal. S’il n’y a plus de vidéos pour immortaliser les prouesses de Matar Niang, Babacar Noel Ndoye, jeune journaliste à l’époque au quotidien national Le Soleil se remémore : «Matar laisse son empreinte de par sa prestance, son culot, sa technique incommensurable. C’était un leader incontesté. Aussi bien dans son club qu’en équipe nationale et partout où il est passé. Toutes les équipes étrangères qui sont venues au Sénégal dans les années 60 ont été conquises par sa démarche élégante et sa technique. Il avait aussi un bon gabarit qui lui donnait fière allure. Il marquait toujours des buts d’anthologie. Contre le Mali de feu Salif Keita au stade Demba Diop, tout comme Santos du Brésil où  il y avait le roi Pelé, il a montré toute sa classe. Dans une interview lors de son passage à Saint-Etienne, Salif Keita a répondu à un journaliste qui le qualifiait de meilleur joueur africain : ‘’non le meilleur joueur d’Afrique se trouve au Sénégal et il s’appelle Matar Niang’’».

Décédé en France et enterré à Yoff

Matar Niang était un numéro 10 à l’ancienne, élégant et grand. Il mesurait 1m90. Incroyable passeur, il était aussi un fin dribbleur et un redoutable finisseur. « Sa technique était au-dessus de la moyenne selon les anciens », affirme Vieux Ba, entraîneur de football. Après la finale de la Coupe du Sénégal 1968, il fait le saut en France où il poursuit sa carrière dans des équipes de D2. Il y décède à 35 ans d’une crise cardiaque le 11 mai 1979. Et comme chaque année, l’anniversaire de son décès passe dans la totale indifférence. C’était peut-être sa volonté. Matar Niang ne voulait jamais tirer la couverture à lui. Il dort ainsi en paix à Yoff.

Khadim DIAKHATE

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