Le 31 mars 2020, le monde du football a perdu une lumière avec le décès de Pape Diouf des suites du Covid-19. Mais son héritage, empreint de générosité et d’humanisme, continue d’illuminer Marseille, la France et le Sénégal, rappelant l’importance de la loyauté, de l’altruisme et de l’humilité, dans un univers trop souvent dominé par l’argent et le prestige.
Dans l’univers souvent étourdissant et parfois impitoyable du football professionnel, rares sont ceux qui ont su maintenir une vision humaniste et une passion sincère pour le jeu. Pape Diouf, devenu figure emblématique du football français, était de ceux-là. Emporté par le coronavirus il y a quatre ans jour pour jour à 68 ans, le souvenir de sa brillante personne demeure comme un rappel précieux de ce que signifie réellement être un leader dans le monde du sport : avoir une vision de l’homme, un cœur ouvert et une passion inébranlable pour le jeu beau et simple qui rassemble.
« Déjà dans son éducation, mon père a été élevé comme ça, avec une mère et un père militaire qui ont appris à leurs enfants à être très droits. Et par la suite, c’était dans son cartable, d’être loyal, honnête, altruiste », raconte Karim Diouf, reconnaissant de voir l’intérêt sincère porté à son père, quatre ans après sa disparition.
Né au Sénégal en 1951, débarqué dans la cité phocéenne à 18 ans, son ascension vers les sommets du football français a été marquée par une passion contagieuse pour le jeu, mais surtout par une profonde empathie pour ceux qui en font partie : les joueurs, les entraîneurs, les fans et les communautés qui gravitent autour du sport.
Cette conviction profonde du juste, Pape Diouf l’a toujours conservée, quelle que soit sa condition sociale. Journaliste à la pige à La Marseillaise, agent de joueurs et président de l’OM, il était une force militante à lui tout seul.
Des principes nourris par sa passion pour les mots et la lecture, dont Jean-Louis Pacull, journaliste qui bossait avec lui pour Le Sport, ancien concurrent de l’Équipe, à l’époque, se souvient très bien. « Il était culturellement et footballistiquement, un grand lecteur du Miroir du football », une publication proche du Parti communiste français qui accordait beaucoup d’importance à la contextualisation du football.
Un football humain et généreux
« À partir du moment où tu ne te contentes pas de parler de sport, de technique, mais que tu t’intéresses au contexte global du football et surtout, aux joueurs qui le pratiquent, tu comprends beaucoup de choses. La lecture de ce journal a, à mon avis, énormément contribué à sa vision humaine du football, au-delà des valeurs humanistes qu’ils portaient naturellement en lui. »
L’ancien spécialiste de l’OM et chef des sports de La Marseillaise, Jean-Paul Delhoume, ne peut que confirmer celui dont il a vu naître la carrière, Cours d’Estienne d’Orves. « Pape a eu la chance de vivre une époque où les journalistes pouvaient faire les vestiaires ! » raconte Delhoume. « À l’époque on pouvait entrer dans les vestiaires après les matches, s’asseoir à côté des joueurs, les traquer sous la douche et discuter avec eux ! Il y avait une proximité, voire une intimité avec les joueurs qui n’existent plus aujourd’hui », se remémore-t-il. « On voyait souvent arriver à la rédaction, Joseph Antoine Bell, le gardien de but de l’OM. Il venait régulièrement s’isoler avec Pape pendant de longues minutes dans les locaux de La Marseillaise. C’est comme ça qu’il est devenu agent de joueurs, il ne les prenait pas pour des imbéciles, ne les escroquait pas, c’était un type d’une honnêteté scrupuleuse », poursuit l’ancien journaliste.
Et Karim Diouf, devenu lui aussi journaliste sportif, d’affirmer : « Il a toujours eu cette présence d’esprit de faire attention aux joueurs, parce qu’il est devenu agent pour défendre les intérêts des jeunes africains qui n’étaient pas considérés au même titre que les jeunes joueurs européens. »
« Ces soucis de l’égalité, l’équité et le bien-être des joueurs, il les a toujours conservés dans son parcours, ça explique pourquoi certains joueurs le considèrent comme leur père, leur frère, comme un ami. » En tant que président de l’Olympique de Marseille de 2005 à 2009, Diouf a cherché à incarner cette vision en promouvant une culture de respect et d’intégrité au sein du club. Fidèle à sa conviction inébranlable que le football ne devait pas seulement être une affaire de résultats et de profits, mais aussi une source de connexion humaine et d’inspiration pour les générations futures.
Sous sa direction, l’OM a connu des succès, mais ce sont ses actions en dehors des terrains qui ont le plus marqué les esprits. Diouf était connu pour sa disponibilité pour écouter leurs préoccupations et ses efforts pour promouvoir le bien-être des athlètes tant sur le plan professionnel que personnel. Il a également été un ardent défenseur de la diversité dans le football, ouvrant la voie à de nombreux joueurs issus de milieux sociaux divers et de l’immigration.
Dans un monde où l’avidité et l’individualisme prennent trop de place, Pape Diouf reste un phare, rappelant à chacun d’entre nous l’importance de rester fidèle à ses valeurs, de tendre la main aux autres et de toujours agir avec intégrité. Que son souvenir continue de nous guider sur le chemin de la générosité et de la compassion, car c’est ainsi que l’héritage d’un grand homme perdure, accompagnant la vie des Marseillaises et Marseillais, Françaises et Français, Sénégalaises et Sénégalais, au-delà de son temps sur cette terre, bien trop court.
Léa Cornu (La Marseillaise)