Ce n’était pas une fournaise. Le stade du 26 mars n’a pas fait le plein ce jeudi. Il était par contre difficile d’imaginer que les Aigles du Mali ne jouaient pas dans l’enceinte située au quartier Yirimadio de Bamako. Les habituels locataires étaient en effet très loin. A 6100 kilomètres, à Maputo où ils doivent affronter le Mozambique dans un match décisif pour la qualification à la prochaine CAN.
Le Burkina Faso qui a loué le stade et le Sénégal son hôte pour l’occasion ont grandement mobilisé. Chacune des deux nations disposent d’une grande communauté dans ce pays malgré les tensions qui le secouent ces derniers.
« J’ai fait plus de 30 ans au Mali », confie Pape Diop, arrivé au stade à 16h, soit trois heures avant le coup d’envoi du choc du groupe L. « En 2002 lors de la CAN, j’étais déjà là et je faisais office de chauffeur pour le 12e Gaindé. Ils habitaient dans mon quartier. Je me sens bien vraiment. Nous formons le même peuple, juste les frontières tracées nous séparent « .
A l’heure où la question des étrangers au Sénégal a fait irruption dans la campagne des élections législatives, voilà leçon…
« Les Maliens voulaient voir Sadio Mané jouer, ils l’adorent »
Les plus de 30 mille spectateurs présents au stade du 26 mars n’étaient toutefois pas tous burkinabé et sénégalais. Les Bamakois sont aussi sortis. Boubabar Gaye Koné, journaliste à Maliba.fm nous avait pourtant prévenus. « Je t’avais dit Demba, les Maliens aiment le foot. Je t’avais dit qu’ils viendraient regarder le match », m’a-t-il rappelé quand certaines parties ont commencé à se remplir alors que les joueurs n’avaient même pas encore entamé les échauffements d’avant-match. J’avais acquiescé sans forcément y croire. A cause de l’expérience de la CAN. Plusieurs matchs qui ne concernent pas le pays organisateur étaient joués dans des stades vides. Sauf peut-être les finales. Ce Burkina Faso-Sénégal n’était pas une finale de la CAN mais était la « finale » du groupe L des qualifications de Maroc 2025. En plus, ajoute le journaliste : « Les Maliens voulaient voir Sadio Mané jouer. Ils l’adorent. En plus, cela fait longtemps que le Mali n’a pas organisé une compétition d’envergure ».
Il n’a pas tort. Au coup de sifflet final, alors même si que Sadio, buteur lors de ses trois dernières rencontres contre les Etalons, était resté muet, plus d’une dizaine de jeunes, a foulé la pelouse pour avoir son moment inoubliable avec la star sénégalaise. Ils ont été tous appréhendés par les policiers et parqués ensuite dans un coin du stade. C’est d’ailleurs Mayacine Mar, Directeur technique national, qui est parti faire les bons offices pour eux.
Les pas de danse du sauveur Habib Diarra
Les supporters sénégalais, plus sages étaient restés sur les gradins pour prolonger cette ambiance indescriptibles. Ils ont fait danser le buteur Habib Diarra, drapeau en main. Le natif de Guediawaye a perdu les clés que maîtrisent la plupart des jeunes issus de cette banlieue dakaroise. Mais qu’importe, il était heureux d’offrir à son pays une victoire de prestige face à un adversaire très dur à bouger.
Le but de la délivrance. Inscrit à la 84e minute, sa réalisation montre assurément les atouts de Diarra en relayeur. Lancé par Pape Gueye pour une contre-attaque, le capitaine de Strasbourg a percé les lignes burkinabé par sa course et décroché une grosse frappe à ras de terre qui s’en va mourir dans les petits filets de Farid Ouédraogo. Sur ce match pourtant, Habib était entré comme d’habitude à un poste qui n’est pas le sien, excentré droit à la place d’Ismaila Sarr, après avoir à maintes reprises dépanné au poste de piston droit en l’absence de Krépin Diatta.
« Une fierté de les regarder mouiller le maillot »
« C’est du gâchis, s’insurge Djadji Ndiaye qui dit être venu du Nigeria pour suivre le match. » A chaque fois que j’en ai l’opportunité je vais au stade pour supporter l’équipe nationale. C’est une fierté de les regarder mouiller le maillot. Il représente le peuple sénégalais » dit-il estimant par ailleurs qu’Ismaila Sarr devait élever son niveau de jeu.
Dans la lignée de ses dernières sorties avec l’équipe nationale, Iso a une nouvelle fois rendu une copie terne. Sans saveur. Il n’a jamais pu se défaire de Steeve Yago, l’arrière gauche du Burkina Faso. L’ancien joueur de Génération Foot disputait pourtant son 69e match avec l’équipe nationale. Ce qui le place désormais au 7e rang des joueurs les plus capés de l’histoire de la sélection sénégalaise. Un statut qu’il a du mal à assumer ces derniers temps.
Les mots, les encouragements et la confiance perpétuelle et aveugle ne suffisent plus. Sarr a peut-être besoin d’être challengé. La cure viendra, on ne sait jamais, du banc. Il doit sentir le souffle de la concurrence. Des jeunes comme Papa Diallo (FC Metz) ou Calyton Diandy (Aris Salonique) doivent être testés.
Ou même installer Iliman Ndiaye sur le côté. Pour beaucoup, le joueur d’Everton n’est bon que derrière l’attaquant en 10 ou en 9 et demi. Pourtant ses meilleures prestations en sélection restent quand il entre en supersub sur le côté et même quand il est aligné en position de 10, ses meilleures actions interviennent quand il se déporte sur le côté.
Iliman et ses dribbles qui font lever la foule
Sur les derniers matchs, il est le seul à avoir montré une capacité à dribbler et se défaire du marquage même collé à la ligne. Dans l’axe, il se fait bouffer le plus souvent par les centraux costaud et il n’a même pas le temps ou le coup d’œil rapide pour servir l’attaquant de pointe idéalement. Sans être flamboyant et constant hier, ses fulgurances ont plu au public. Ses dribbles à la première minute, son contrôle orienté suivi d’une course dans la surface et d’un tir sorti in extremis par Farid Ouédraogo à la 6e minute ont fait lever la foule.
« Vous avez un diamant » avance un journaliste burkinabé de Bf1. Le diamant est toujours brut à 24 ans. Qu’importe ! Les supporters ont vibré à chacune de ses arabesques. Ils ont exulté par des « Oh » et des « Ah » accompagné par le rythme endiablé des tam-tams. Les batteurs ont revisité pratiquement tous les « baks » des grands lutteurs sénégalais. Même si cette ambiance ne remplacera jamais dans mon cœur le son des assikos, ce fut envoûtant.
Le public avait déjà donné le ton bien avant le coup d’envoi. A deux heures avant le match, ils avaient déjà pris d’assaut les gradins du stade du 26 mars avec des vuvuzelas et des slogans « fi nioko mome », « Sénégal lagnou beugue » Sénégal sougnou reew » et « but lagnou beug ». C’est venu tardivement mais ils l’ont eu leur victoire au bout. Une soirée presque parfaite qu’ils n’oublieront certainement jamais. Ils ont fait ressentir à Pape Thiaw que le Mali était bien la terre de sa maman.
Demba VARORE, envoyé spécial à Bamako
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