Enquête I Comment les footballeurs sénégalais ont géré le mois du Ramadan ?

Le mois du Ramadan, l’un des cinq piliers de l’Islam, est un moment spirituel important pour des millions de musulmans à travers le monde. Pour les sportifs de haut niveau, il représente cependant un défi supplémentaire : concilier les exigences physiques de leur métier avec le jeûne quotidien. Entre adaptation, sacrifice et gestion de l’effort, chaque joueur adopte une approche différente en fonction de sa condition physique et des impératifs de la compétition.

Dans le championnat sénégalais, les avis sont partagés. Certains joueurs observent le jeûne strictement, tandis que d’autres, notamment ceux qui doivent disputer des matchs à haute intensité, choisissent de ne pas le faire certains jours.

Les footballeurs sénégalais entre foi et performance

Attaquant de l’ASC Jaraaf, Souleymane Cissé fait partie de ceux qui tiennent à respecter le jeûne malgré les exigences physiques des entraînements. Il reconnaît que la gestion de l’effort est essentielle :

« Moi, pendant le Ramadan, je jeûne toute la semaine, même avec l’intensité des entraînements. J’essaie de gérer ». Mais lorsqu’il s’agit des jours de match, la situation change : « Non, les jours de match, je n’ai pas jeûné. C’est vraiment difficile. »

Le joueur explique les défis physiques liés au manque d’alimentation et d’hydratation : « Il faut être fort mentalement, car pratiquer un sport sans s’alimenter ni s’hydrater, surtout pendant le Ramadan, peut entraîner une diminution de la force musculaire. Tu deviens plus faible. »

« Le Ramadan et le sport renforcent mon moral »

Chez les joueuses aussi, le Ramadan impose des ajustements. Fatoumata Dione, milieu de terrain du Dakar Sacré-Cœur, estime qu’il est possible de concilier foi et sport, bien que cela demande un effort supplémentaire : « Le Ramadan, je le gère comme tout bon musulman, en essayant de le pratiquer normalement. » Les entraînements restent un défi quotidien : « Avec les entraînements, ce n’est pas facile, mais on essaie de maintenir la forme. Seulement, les jours de match, c’est encore plus dur, car l’intensité est élevée. »

Malgré ces difficultés, Fatoumata Dione voit une force dans cette épreuve : « Le Ramadan et le sport renforcent mon moral. D’un côté, c’est un devoir religieux, et de l’autre, une passion. Alors, on essaie de garder le cap. »

Le jeûne en NBA : un défi pour les stars

Le défi du Ramadan ne concerne pas uniquement les footballeurs. En NBA, plusieurs joueurs musulmans jeûnent tout en continuant à performer au plus haut niveau. Parmi eux, Kyrie Irving, Jaylen Brown, Dennis Schröder (Allemand d’origine gambienne) ou encore les légendes Hakeem Olajuwon et Enes Kanter.

Geoffrey Wandji, médecin de l’équipe de France de basket, explique que le jeûne n’est pas un frein pour les athlètes bien préparés :

« Paradoxalement, ce sont souvent ceux qui ne font pas le Ramadan qui s’en préoccupent le plus. Pour avoir travaillé avec des athlètes qui le pratiquent, il n’y a pas de souci majeur au niveau médical. » explique-t-il dans un article de Basketusa.

L’importance de la nutrition et de l’hydratation

Pour compenser les heures sans apport alimentaire, les spécialistes insistent sur l’importance d’une alimentation adaptée. Pendant le Ramadan, les athlètes doivent privilégier :

          •        Les protéines et acides gras essentiels pour préserver la masse musculaire

          •        Les glucides à index glycémique bas pour une énergie durable

          •        Une hydratation optimale dès la rupture du jeûne pour éviter la déshydratation

L’avis du Dr Issa Mboup (US Ouakam) sur le jeûne et la performance

Le Dr Issa Mboup, médecin de l’US Ouakam, met en avant les bienfaits du jeûne sur le corps humain, mais aussi ses limites en haute compétition. Dans l’émission Classe Dsports sur Dsports TV, il explique : « Le jeûne est une épreuve pour le corps humain, mais il a aussi des bienfaits. Après 11 mois d’activité continue, c’est une période qui permet à certains organes, comme le foie et les reins, de se reposer partiellement. »

Cependant, il reconnaît que le jeûne peut poser problème pour les athlètes engagés dans des compétitions à haute intensité : « Lorsqu’il fait très chaud, l’organisme a besoin d’une hydratation fréquente. C’est pourquoi, dans certains championnats, l’arbitre accorde des cooling breaks (pauses fraîcheur). Dans mon équipe, ceux qui jouent ne jeûnent pas les jours de match. »

Il propose une solution pour permettre aux joueurs d’allier jeûne et performance : « Si les matchs étaient programmés à 18h30, cela serait plus simple pour les joueurs pratiquants. En effet, l’activité physique est autorisée entre une heure et une heure trente avant la rupture du jeûne, à condition qu’elle ne soit pas trop intense. »

Un équilibre entre religion et exigences sportives

Le mois du Ramadan représente un défi physique et mental pour les joueurs de football et les sportifs de haut niveau en général. Certains parviennent à concilier leur foi avec leur métier, en adaptant leurs entraînements et leur alimentation, tandis que d’autres choisissent de ne pas jeûner les jours de match pour maintenir leur performance.

En fin de compte, chaque athlète doit trouver le juste équilibre entre ses croyances et les exigences de sa carrière, en tenant compte de son propre corps et des réalités du sport de haut niveau.

Khadim DIAKHATÉ