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Léonard Diagne Jaraaf

Le timbre de sa voix est devenu familier aux amoureux du football sénégalais. Léonard Diagne, est depuis des années, le speaker attitré des sélections du Sénégal. Dsports.sn est allé à s rencontre. Entre anecdotes et souvenirs croustillants, celui qui est, par ailleurs secrétaire général de l’ASC Jaraaf, nous retrace, sans ambiguïté, une partie de sa vie inconnue du grand public sportif.

Entretien.

Qui est Léonard Diagne, quel genre d’enfance avez-vous eu ?

Leonard Diagne est né à Dakar au Plateau (Centre-ville). Il a fait tout son cursus primaire à l’école du Plateau. Ensuite, j’ai rejoint les collèges Sacré Cœur et Saint Michel. J’ai très tôt embrassé le mouvement associatif. Très jeune, étant fils de Dakar Plateau, on s’amusait souvent aux alentours de la cathédrale. Pratiquement tous les jeunes de mon âge, à cette époque-là, étaient des éclaireurs du Sénégal. Je pense que c’est par là que j’ai commencé à aimer le mouvement associatif, en étant éclaireur du Sénégal. Nous avons passé pas mal de temps ensemble.

Ensuite, comme j’avais un vieux militaire, on habitait le camp Dial Diop. Bien vrai que je suis né à la rue Félix Faure. C’est ce qui m’a poussé à très tôt connaître un peu le camp. Après avoir obtenu le BEPC à l’époque, le vieux (son papa) a tenu à ce que j’aille faire mon service militaire. Ce que j’ai fait. Je pense que cela m’a beaucoup renforcé et m’a permis aujourd’hui au niveau du mouvement associatif, je me retrouve rapidement. Parce que le service militaire est très important. Et je suis un des partisans qui pense que l’État fait du service militaire une obligation. Parce que cela participe davantage à l’éducation des jeunes surtout de la génération à venir.

Et le sport, il occupait quelle part dans votre enfance ?

Léonard Diagne : Je suis né dans une famille sportive, d’un père footballeur et d’une mère basketteuse. Il s’appelait El Hadji Michel et ma maman Adja Rokhaya Seck. Elle était basketteuse au Foyer France Sénégal (devenu le Jaraaf). Mon père a joué à la Jeanne d’Arc. Mais, j’ai pris le virus du Jaraaf grâce à ma maman. Parce que c’est elle qui m’a le plus éduqué. J’étais trop proche de ma mère. Je n’ai pas de sœur. Nous sommes tous sept garçons dans la famille. Notre grand-frère (l’aîné), qui n’est plus de ce monde, était le seul goréen. Sinon tout le reste est du Jaraaf. Certainement, c’est notre maman qui nous a donné cette ADN.

Comment avez-vous vécu, à cette période, les rencontres entre Jaraaf, Jeanne d’Arc et Gorée au sein de la famille ?

Léonard Diagne : C’était très intéressant parce qu’à un certain moment, je n’étais plus avec le vieux (son père). Bien avant sa mort, il y avait le divorce entre mes parents. Donc, j’étais avec ma maman. J’étais tranquille. Le grand-frère par contre, comme je l’ai dit tantôt était goréen, et jusqu’à son décès, il était vice-président de l’US Gorée. C’était la guerre totale avec lui. Il aimait les défaites du Jaraaf. Moi, aussi pour lui rendre, je ne cherchais que les défaites de Gorée. Pour une anecdote, à chaque fois qu’on jouait les samedi et dimanche au stade Demba Diop, quand l’US Gorée jouait le samedi et que le Jaraaf était programmé le dimanche ; même si Gorée avait perdu son match, il me disait ‘’j’attends le match du Jaraaf’’. Alors, il suffisait qu’on gagne le Jaraaf pour qu’il me dise : «Je suis content». Chaque défaite du Jaraaf représentait pour lui une victoire pour Gorée. Mais, au niveau de la famille, c’était amical et convivial. Les jeunes de l’époque aimaient les études et le sport. Donc, on nous avait inculqué que dans le sport, il y a l’humilité. Qu’il fallait accepter la défaite si elle arrivait. Et une victoire on la savoure sans pour autant chercher à humilier son adversaire.

Vous avez dit avoir fait le service militaire, qu’est-ce qui vous a poussé à quitter l’armée ?

C’était une volonté de mon père. Ma mère n’était pas trop d’accord pour que j’arrête les études mais le vieux qui était militaire a insisté pour que nous faisions le service militaire. J’ai deux autres jeunes frères qui ont fait l’armée. Ils ont d’ailleurs continué. Celui qui vient tout juste après moi, il (Amadou Diagne) n’est plus de ce monde. Il a fait une carrière sportive parce qu’il était judoka. Il était même l’entraîneur de l’équipe nationale féminine de judo jusqu’à sa disparition. Il est mort sergent-chef. Il était champion du Sénégal et 4e dan de judo. Mais, moi c’était plutôt les études et le sport. Tout juste après le service militaire, je suis revenu continuer les études pour terminer en tant que préparateur en pharmacie.

Comment êtes-vous devenu un Speaker ?

Je n’ai pas fait d’études en communication. Je n’ai pas fait d’études en journalisme. C’est que très jeune, étant en CM2 à l’école du Plateau, et durant mon cursus scolaire je n’ai connu que deux enseignants sénégalais. Donc, je n’avais que des enseignants français. Ȧ l’époque, le directeur de l’école Plateau, M. Hervé, était un Français. Il y avait beaucoup d’enseignants qui étaient là dans le cadre de la coopération. C’est au CE2 que j’ai eu Nafissatou Faye, cinéaste. Elle est décédée depuis un an maintenant. Elle était mon enseignante en tant que Sénégalaise. Et en CM1, j’ai eu monsieur Guèye. Ȧ l’école, on organisait, à cette époque, chaque fin d’année, la fête des élèves. Et le directeur nous avait demandé de mettre deux amicales. Une amicale de garçons et une amicale pour les filles. Les gens m’avaient porté à la tête de l’amicale des garçons. Le jour de la fête de fin d’année à l’école, on m’a demandé de prendre la parole au nom des garçons. Pour les filles, leur présidente s’appelait Khardiata Sarr qui était la grande sœur à feu Lamine Sarr, ancien excellent joueur du Jaraaf. C’était la première fois qu’on me mettait devant un micro.

C’est quoi la suite ?

Alors, j’ai parlé au directeur… Il m’a écrit un texte. Quand j’ai lu, à la fin, tonton Marc qui animait une émission à la RTS, m’a appelé. Il me dit : «Tu as une voix radiophonique». Je ne comprenais pas ce qu’il me disait. Il me dit : «Je vais te suivre». Et depuis lors, s’il y a des cérémonies de la Croix-Rouge en face de notre école, tonton Marc me demandait de venir pour faire de petites prises de paroles. C’est parti de là. Depuis lors, j’ai pris goût en entrant dans le mouvement associatif. Les gens me demandent toujours de parler à leur nom et je me suis familiarisé un peu avec le micro. Je n’ai pas fait d’études spéciales en ce sens. Je lis beaucoup de bouquins sur la communication. Je suis même tenté parce que pas plus tard que la semaine dernière, le doyen Tandakha Ndiaye, lors d’une émission à la RTS, m’a suggéré de m’inscrire dans une école de communication pour que les gens me donnent certaines techniques de communication. Si le temps me le permet, je vais essayer de le faire.

Et maintenant vous êtes devenu le speaker attitré lors des grands événements de football au Sénégal ?

Durant des années, j’ai été speaker lors de finales de Navétane au niveau du département de Dakar. Je faisais toutes les finales. C’est pourquoi, je n’ai pas de problèmes. Je suis habitué. Même à 04h00 du matin si on m’interpelle, je le fais. C’est devenu naturel en moi. Aucun trac quel que soit l’ampleur de la foule et de la grandeur de l’événement. Je ne peux pas compter combien de fois, j’ai été speaker lors des finales du championnat, du Navétane, de la Coupe du Sénégal et des matchs de l’équipe nationale. J’ai fait tous les matchs de l’équipe nationale au stade Léopold Sédar Senghor et au stade Abdoulaye Wade.

Quel est le match inoubliable que vous avez fait en tant que speaker ?

C’était la finale de la Coupe de la Ligue entre US Ouakam et Stade de Mbour (15 juillet 2017). Je garde cette finale toujours dans ma tête. Les choses avaient bien démarré, avant que cela ne dégénère. C’était douloureux (il y avait 8 morts). Et cela marque. C’est pareil avec le match entre le Sénégal et la Côte d’Ivoire au stade Léopold Sédar Senghor (C’était lors des éliminatoires de la CAN 2013 joués en octobre 2012. Cot d’Ivoire menait 2-0, avant l’interruption du match 47’.). J’avais tenu le micro pour pousser le public et tout ça. Les choses ont dégénéré. Après, il y a eu la suspension du stade. Ce sont les deux rencontres qui laissent des traces.

Vous arrive-t-il comme les commentateurs de préparer à l’avance les matchs internationaux du Sénégal pour vous familiariser avec les noms de l’équipe adverse ?

Il y a un petit travail de recherches, surtout dans l’appellation. Quand, il s’agit des équipes de l’Afrique de l’Ouest, je me retrouve. Mais, s’il s’agit des pays anglophones, lusophones ou arabes, très tôt je viens au bureau du commissaire de match pour la feuille de match. Ensuite, je me rapproche de la délégation de l’équipe adverse pour savoir la façon dont on prononce le nom correctement. Quel que soit l’adversaire du Sénégal.

Comment avez-vous vécu la première rencontre du Sénégal au stade Me Abdoulaye Wade contre l’Égypte, un mois après le titre de champion d’Afrique du Sénégal ?

Ce jour, la Fédération sénégalaise de Football avait jugé nécessaire d’ajouter deux grands animateurs, à savoir DJ Boubs (Boubacar Diallo) et Aba no stress (Babacar Camara). Ils étaient à mes côtés pour l’animation et haranguer la foule. Ce sont des professionnels en la matière. Si vous regardez, une heure de temps avant le match (29 mars 2022), je leur avais laissé le micro pour animer et haranguer la foule. J’ai beaucoup apprécié cette collaboration avec DJ Boubs et Aba. Après le commissaire du match a jugé nécessaire que DJ Boubs et Aba devaient monter sur les gradins, pour me laisser la place en tant que speaker de la rencontre. C’est un match que je retiens beaucoup d’autant plus que cela nous a permis de nous qualifier à la Coupe du monde au Qatar (Sénégal / Égypte 0-1, 1-0 TAB 3-2 a.p.). C’était beau à voir ce jour au niveau du stade Abdoulaye Wade.

Quel est votre parcours sportif ? Avez-vous joué au football ?

En Navétane, j’ai connu trois Associations sportives et culturelles (ASC). J’ai commencé par l’ASC Sandial parce que je suis né à Dakar-Plateau. Mais, j’ai vraiment intégré le mouvement à partir de l’ASC HLM 5 que nous avons créée entre 1973 et 1974 avec mon grand-frère décédé, Alassane Adolphe Diagne et Vieux Sidibé qui était comptable au niveau de la FSF. Comme à l’époque, nous étions à Ouagou Niayes déjà, on s’entraînait là-bas au terrain, c’est comme ça qu’on a mis l’équipe en place. J’étais ensuite délégué au niveau de la Zone 3. J’étais le cadet au niveau de ce nouveau Comité directeur. Je n’avais que des doyens avec Jules Méry, Pape Seck Diallo de Colobane, Habib Diallo, Tahirou de Rakadiou. Tous ces gens m’ont très tôt couvé pour me demander de rester à côté d’eux. Il y a aussi Meïssa Sall, un ancien député de l’ASC Nguélaw. Je n’oublierai jamais ces grands qui m’ont beaucoup encadré.

Donc, l’encadrement de ces anciens a beaucoup apporté durant votre carrière ?

Dès ma première année, on m’a confié l’argent (trésorier). Ȧ l’époque, ce n’était pas un mandat olympique mais d’une année. C’est depuis lors que j’ai pris cet envol au niveau du mouvement associatif. Après la fréquentation de mes amis au niveau de HLM 3, nous avons créé autour du doyen Atoumane Diaw, qui est vice-président à la Fédération sénégalaise de Basketball que je salue au passage, l’ASC Bodo qui est l’actuel Baye Gaïndé. J’ai été le secrétaire général pendant des années. Ȧ l’ODCAV de Dakar, j’ai été aussi secrétaire général.

J’ai aussi encadré des jeunes. Celui qui m’a le plus marqué, c’est l’actuel président de l’ONCAV, El Hadji Amadou Kane. Mass Dieng, ex-sociétaire de la JA et entraîneur de DUC, me l’a confié pour la première fois à l’ODCAV de Dakar en me disant : ‘’Voici un jeune très dégourdi. Il est au niveau de notre Cité Amitié’’. Amadou est venu vers moi et on a sympathisé depuis lors. Quand je vois aujourd’hui son parcours, j’en suis très fier. Parce qu’il aimait ce qu’il faisait. Il le faisait avec beaucoup de détermination, beaucoup d’engagement. Mais pour qu’il prenne la présidence de l’ORCAV Dakar, il a fallu que je lui torde le bras.

Comment cela ?

On avait une Assemblée générale très houleuse, sous la supervision du préfet de Dakar au CDEPS, de 18h00 à minuit. Ȧ l’époque, c’était des présidences rotatives. Quand Pikine avait fini de prendre, Rufisque prenait par la suite. Ensuite Guédiawaye puis Dakar. Cette fois-ci, c’était au tour de Dakar de présenter un candidat pour être président de l’ORCAV de Dakar. On avait d’abord proposé Pape Amacodou Ndiaye mais les coalitions Pikine, Rufisque et Guédiawaye avaient mis leur véto. L’AG a duré des heures et j’ai alors demandé une pause au préfet afin que la délégation de Dakar se retire pour discuter et essayer de changer notre candidat. Nous nous sommes retirés. J’ai demandé à Pape Ndiaye, avec regret et paix à son âme, de se retirer. Nous avons ainsi choisi Amadou Kane.

Et comment avez-vous intégré les instances du Jaraaf dont vous etes actuellement le secrétaire général ?

Dans les années 80 déjà, j’étais le secrétaire de la section des supporters du Jaraaf de Ouagou Niayes-Grand Dakar avec feu Guignack Cissé et Bourama Diaité. Dr Babacar Ngom (actuel médecin de la FSF) m’a proposé pour le secrétariat de la section de football. Pendant 13 bonnes années, j’étais le secrétaire administratif de la section de football du Jaraaf. Ensuite le président Wagane (Diouf) m’a nommé secrétaire général du Jaraaf. Le Jaraaf a la particularité de n’élire que son président et c’est lui qui propose un Comité directeur et un bureau. Durant tout le magistère de Wagane, j’étais le secrétaire général du Jaraaf. Quand Cheikh Seck est arrivé en 2013, il m’a renouvelé encore cette confiance. Ce qui fait que jusqu’à aujourd’hui, je suis le secrétaire général du Jaraaf.

Vous avez joué au Jaraaf ?

La seule licence que l’on peut retrouver dans les archives du Jaraaf est celle de handballeur. J’étais plus handballeur que footballeur. Parce que les deux collèges que j’ai fréquentés (Sacré-Cœur et Saint Michel), soit tu faisais du basket ou du handball. J’étais avec feu Joseph Koto, ex-sélectionneur des équipes nationales seniors et U20. Nous étions dans la même équipe de handball avec le doyen Emmanuel Huchart dit Kabesse qui fut notre entraîneur. Comme j’étais jaraaf-man, je suis allé jouer au handball en catégorie juniors et seniors au Jaraaf. Par ricochet, j’étais même secrétaire général de la Ligue de handball de Dakar. Quand j’ai terminé ma carrière de joueur, étant administratif, je suis venu être dans le District et la Ligue de handball de Dakar. Je me voyais plus dans le handball que le football. Mais, dès que Demba Sall et docteur Ngom m’ont pris, avec feu Médoune Diène, j’ai viré au football. Depuis lors, j’ai aimé. J’aime que l’administration. Je le dis souvent aux gens les deux seuls postes que je refuserais d’être jusqu’à ma disparition, c’est d’être président ou trésorier. Ces deux postes ne me tentent pas du tout. Je ne me sens pas utile dans ces deux postes. Je suis là où je suis, c’est-à-dire coordonner, gérer l’administration ou être carrément dans les organisations.

Par Cheikh Demba NDIAYE

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