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Mayoro Guèye ancien coach Pikine

Avec Mayoro Guèye, Dsports.sn a fait le bilan de la saison de la Ligue 1. Coach de l’AS Pikine la saison passée, le technicien a aussi reconnu la frilosité des entraîneurs qui est due, selon lui, à la dictature du résultat.

Coach Mayoro Guèye, quelles sont les trois équipes qui vous ont le plus marqué tactiquement cette saison ?

A mon sens, l’équipe la plus captivante et séduisante cette saison est Dakar Sacré-Cœur. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’elle termine sur le podium. Après il y a naturellement Teungueth FC et Jaraaf qui sont premier et deuxième. DSC était pour moi la plus forte au niveau de la sortie du ballon. Les autres équipes avaient ce problème. Hormis Sacré-Cœur, les autres éprouvaient d’énormes difficultés à le faire. Pour certaines, on a même du mal à lire leur circuit préférentiel. J’ai bien aimé la régularité de Teungueth FC. L’équipe n’a jamais perdu deux fois de suite. A chaque fois qu’elle s’incline, elle a pu rebondir tout de suite derrière. Le Jaraaf était, de son côté, l’équipe la plus équilibrée. Sa ligne d’attaque était, c’est vrai, un peu plus faible du fait qu’il n’y avait pas beaucoup de variations parce que l’effectif ne comptait pas réellement un avant-centre type, mais tous les compartiments étaient solides.

Vous avez été le premier entraîneur de Teungueth FC sous la présidence de Bababcar Ndiaye en 2011. Les très bons résultats du club ces 5 dernières années vous surprennent-ils ?

Ça ne surprend pas grand-monde. Babacar Ndiaye est un visionnaire, un perfectionniste et un gagneur. Il insuffle ces valeurs-là d’abord à l’équipe administrative. Il est tout le temps bien entouré. Il exerce hors du pays certes, mais il a su bâtir une équipe qui assure bien en son absence et relaie bien son travail. C’est un club qui a près d’une centaine d’employés et pratiquement tous sont de Rufisque. Babacar œuvre bien économiquement pour sa ville. Forcément, il y a donc la population de Rufisque qu’il fédère autour du projet Teungueth FC. Tout cela se traduit par des résultats positifs. Sur le plan technique, il s’entoure aussi d’entraîneurs chevronnés comme dernièrement Youssoupha Dabo et Cheikh Guèye. Sur le plan administratif et technique, Babacar sait vraiment s’entourer.

On remarque que la plupart des formations sénégalaises évoluent en 1-4-2-3-1, n’est-ce pas ce qui favorise les nombreux matchs nuls enregistrés en Ligue 1 ? Quels atouts offre spécialement cette configuration ?

C’est vrai que la plupart de nos équipes évoluent en 1-4-2-3-1 ou en 1-4-1-4-1. Depuis peut-être le départ de Youssoupha Dabo, même si au Jaraaf il a également joué à quatre défenseurs, il est rare de voir un entraîneur jouer à 3 derrière de façon très régulière. Certains le font mais de manière très circonstancielle. Quels atouts offrent le 1-4-2-3-1 ? Ce système présente beaucoup de rationalité dans l’occupation du terrain tant au niveau de la largeur que de la profondeur. Ça donne aussi une densité au niveau axial. Vous n’avez pas moins de six joueurs au niveau axial. Ça permet aussi de doubler les couloirs avec les arrières et les excentrés. Le fait que pas mal d’équipes jouent ainsi offrent beaucoup de un-contre-un. Quand c’est ainsi, les matchs se décantent suite à des prouesses techniques. Il est difficile de gagner des matchs quand les organisations tactiques sont rodées. Ce n’est pas fortuit qu’il y ait beaucoup de matchs nuls dans le championnat.

31 buts en 26 journées marqués par la meilleure attaque Teungueth FC qui est par ailleurs champion du Sénégal, est-ce un ratio satisfaisant pour le coach et l’observateur que vous avez été cette saison ?

C’est loin d’être satisfaisant. A la limite, c’est dérisoire. 31 buts pour le champion en titre et 10 pour le meilleur buteur, ça montre que l’on ne marque pas assez. Ce n’est pas surprenant quand vous savez qu’il y a deux ans, les deux meilleurs buteurs Bouly Junior Sambou et Ngagne Fall avaient tous deux quitté le championnat. Et cela se passe ainsi très souvent. Il est très rare que l’on puisse conserver nos buteurs. Or, pour marquer énormément, il faut être mûr.

Quand le meilleur buteur termine à 10 buts seulement en 26 journées, est-ce seulement le signe d’un manque de niveau des attaquants ?

Nous avons un problème de buteur dans ce pays. Je l’ai dit tantôt, être buteur demande de la maturité. Or, on ne leur laisse pas le temps de mûrir. Malheureusement ou heureusement pour eux, il suffit de commencer à marquer pour aller à l’étranger. Ce qui fait que le championnat sénégalais n’en profite pas assez. Il n’y a pratiquement que Abdoulie Kassama qui est resté après son titre de meilleur buteur la saison passée. Il faut s’y attendre encore pour les saisons à venir. Et, il faut noter que même ceux qui sont meilleurs buteurs en Ligue 1 comme en Ligue 2 ne sont pas de vrais attaquants de pointe. Souleymane Cissé, je l’ai dit, n’est pas avant-centre de métier. Mbaye Jacques Ndiaye aussi. Almamy Fall au DUC est deuxième attaquant. Erasme Badiane (ASC HLM) ne joue pas avant-centre.

Mayoro Guèye :  »Pep Guardiola est un Laministe »

Le fan de foot sénégalais reproche souvent aux entraîneurs sénégalais d’être frileux, partagez-vous cet avis ?

Je partage cet avis. Nos entraîneurs sont frileux. C’est dommage de le dire parce que je suis dans ce corps mais cette peur, les entraîneurs l’ont transmise à leurs équipes. Dans ce pays, nous travaillons souvent dans l’urgence. Il faut étudier le profil de l’entraîneur avant de le prendre. Mais ici, on le prend et on le juge rapidement dans ses 3 premiers matchs. On lui met la pression du résultat. Cette dictature du résultat donc pousse les entraîneurs à avoir la peur au ventre. Ça se traduit par un jeu attentiste. Sans créativité. Les joueurs ne se lâchent pas.

Y a-t-il des joueurs, tous postes confondus, qui vous ont impressionné cette saison ?

Il y a vraiment des joueurs qui m’ont beaucoup impressionné. La plupart, ce sont des défenseurs : Sohibou Gningue (Linguère), Alioune Souané (Jaraaf), Matar Niang (Guédiawaye FC), Pape Mamour Diallo (Pikine), Nouah Coly (Sonacos), Layouss Samb (Teungueth FC). Bonaventure Fonséca (Teungueth FC) aussi est très intéressant. Il n’a cependant pas assez joué. Toutefois, Aimé Tendeng est incontestablement le meilleur de la saison en Ligue 1.

Vous considérez feu Lamine Dieng comme votre mentor. Y a-t-il d’autres entraîneurs qui s’identifient à lui ?

Il y a plein d’entraîneurs ici au Sénégal qui s’identifient à Lamine Dieng. Je peux citer Boubacar Arfang Mané qui se considère comme son disciple. Il y a Amadou Lamine Seck dit Imam que l’on vient de perdre. J’en profite pour lui rendre hommage et prier que son âme repose en paix. Très souvent, d’anciens joueurs et des coaches actuels me disent qu’ils épousent la philosophie de Lamine Dieng. C’est vrai qu’il faudrait s’organiser et faire quelque chose pour pérenniser sa vision du foot. Ce qu’il nous a légués. On va y réfléchir et pourquoi pas mettre en place une association des disciples de Lamine Dieng. Moi, je me réclame Laministe jusqu’au bout des ongles. Il avait l’habitude partout où il allait de ne pas venir avec un staff complet. Il voulait travailler avec les hommes du sérail. Je suis un des rares qu’il a eu à réclamer dans certains clubs qu’il a entraînés. Cela m’a permis de beaucoup apprendre auprès de lui. Il aimait beaucoup partager. Qu’Allah l’accueille au Paradis.

Pouvez-vous me définir la philosophie laministe ?

Dans l’ère moderne, on parle beaucoup de périodisation tactique. Je dirais que c’est juste l’appellation qui a changé. Mais le concept n’est pas nouveau. Lamine incarnait ce football. Il a su intégrer le ballon au cœur de toutes ses séances d’entraînements. De ses ateliers. Feu Alassane Dia nous disait un jour la première fois qu’il a assisté à une séance de préparation d’avant-saison de Lamine Dieng, il a introduit le ballon dès le premier jour. Il misait sur la possession de balle et jouait très haut. Il incarnait ce football. Il n’aimait pas que ses équipes courent après le ballon. Ils n’aimaient pas que ses défenseurs, surtout centraux, abusent de longs ballons. Il préférait un jeu de déséquilibre fait avec la multiplication de passes. Lamine était un esthète. Depuis longtemps, il a préconisé l’idée d’avoir des gardiens qui savent jouer avec les pieds. Donc en résumé, un Laministe prône le football à base de passes courtes et redoublées à l’image de la philosophie de César Luis Menotti, Juanma Lilo et bien après les Guardiola. Je peux même dire que Guardiola est Laministe. Roberto de Zerbi aussi.

Demba VARORE

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