Depuis la disparition en 2021 de Mor Talla Dieng, ancien président de Thiès FC, le club connait des années tourmentées, marquées par des conflits internes et des crises de gouvernance. L’élection de Mouhamed Khalifa Sarr à la tête du club, avec l’appui du comité directeur, a déclenché une période agitée. Si Sarr s’est défendu en affirmant la légitimité de sa gestion, plusieurs membres du club ont vite critiqué ses choix, notamment en matière de finances et de gestion salariale.
C’est la crise à Thiès FC. Si l’équipe a démarré sa saison en Ligue 2 par un franc succès devant Diambars (3-2), l’été a été pour le moins très agité. La gestion de Mouhamed Khalifa Sarr est contestée. Pour plusieurs membres du comité directeur, le président depuis trois ans multiplie les décisions inopportunes et calamiteuses. Et cela, « depuis son arrivée à la tête du club » dénonce Pape Diop, ancien vice-président. Il lui reproche d’avoir déstabilisé le Comité Directeur en changeant le trésorier sans l’aval des membres. Sarr, en revanche, justifie son choix par la nécessité de remplacer un trésorier peu actif.
« Nous avons pris cette décision collectivement au sein du comité directeur, et avec le soutien de notre conseiller juridique. C’était dans l’intérêt du club », affirme Sarr. Pour lui, les critiques sur cette action ne sont qu’une tentative de ses détracteurs pour miner son autorité et semer la division.
Son explication ne convainc bien évidemment pas ses collègues. Certains membres du comité voient ce changement comme « un signe de gestion solitaire et opaque ». D’ailleurs « l’absence de transparence dans les comptes, après le départ du trésorier », a selon eux, alimenté la méfiance envers le président.
Crise financière et départ des joueurs
La situation financière de Thiès FC se serait ainsi rapidement détériorée après ce changement. En 2021, les joueurs n’auraient pas perçu la totalité de leurs salaires, contrairement aux assurances de Sarr. Une enquête interne a révélé que le club devait encore 5 990 000 FCFA aux joueurs et 750 000 FCFA au staff technique. Face à ces retards, les joueurs ont refusé de jouer tant que la situation n’était pas régularisée.
Pour éviter la faillite, le club a signé un accord avec Mazen Jaber, un bienfaiteur fidèle depuis près de deux décennies. Ce dernier s’est engagé à couvrir 80 % des dépenses du club, apportant entre 6,5 et 7 millions de FCFA par mois. Grâce à cet apport, Thiès FC a réussi à payer les salaires et à assurer son fonctionnement en 2022.
Rupture avec Mazen Jaber et retour des difficultés
Cependant, en 2023, Khalifa Sarr a brusquement mis fin à cette collaboration. Selon ses détracteurs qui ont même tenu un point de presse, Jaber aurait « refusé de verser directement les fonds dans un compte contrôlé uniquement par Sarr ». Ce désaccord a conduit Mazen à se retirer définitivement, laissant le club dans une situation financière encore plus précaire. En conséquence, les salaires des joueurs ont été réduits à 50 000 FCFA et payés en deux tranches, provoquant une nouvelle grève.
Sarr plaide toutefois le malentendu pour justifier cette rupture. « Mazen a toujours été un pilier du club, et je respecte profondément ses contributions. Cependant, il était nécessaire que les fonds soient gérés de manière plus formelle et conforme aux exigences du club », explique-t-il. Il rejette l’idée que ce conflit soit le fruit de sa volonté de contrôler seul les finances et affirme qu’il a toujours travaillé dans l’intérêt de l’équipe.
Le président contesté souligne que, malgré la fin de ce partenariat, il a continué « à financer le club sur ses propres ressources, sans l’aide de Mazen Jaber », et que cette initiative a permis « à Thiès FC de rester opérationnel ».
Il soutient également que Mazen Jaber n’avait jamais présenté de budget détaillé, et qu’il a lui-même pris en charge les finances avec le nouveau trésorier Alioune Gueye.
Le retrait de Mazer a, en tout cas, marqué un tournant dans la crise que traverse Thiès FC. Il avait permis de stabiliser le club financièrement, mais les conflits autour de la gestion des fonds ont provoqué son départ. Cette décision a creusé davantage le fossé entre Khalifa Sarr et ses détracteurs, et laissé un vide financier difficile à combler.
Gestion contestée des subventions
Cette même année, Thiès FC a bénéficié d’une subvention de 10 millions de FCFA de la Fédération Sénégalaise de Football. Mais la manière dont ces fonds ont été gérés par Sarr a soulevé des critiques. Plusieurs membres l’accusent de ne pas avoir consulté le comité avant de les utiliser. Selon eux, cette gestion sans aucun bilan a encore aggravé les tensions au sein du club. Sarr se défend en affirmant qu’il a agi en toute transparence et que les fonds ont été utilisés pour les besoins du club.
« Tout a été fait en toute transparence. Ce sont des accusations sans fondement. Ces fonds ont servi directement aux besoins du club, y compris les salaires des joueurs et les frais de fonctionnement. Je n’ai rien à cacher. Ceux qui me critiquent oublient que je mets mon propre argent dans ce club. Je le fais pour assurer sa survie, pas pour obtenir des gains personnels », se défend-il.
Mandat contesté et avenir incertain
Sous la présidence de Khalifa Sarr, Thiès FC a enregistré des performances en dents de scie. Ce qui a encore accentué les frustrations des supporters. Parallèlement, Sarr a refusé de tenir les réunions annuelles d’évaluation exigées par les statuts du club, renforçant l’image d’une gouvernance autoritaire et non collaborative. Même ses plus proches collaborateurs ne seraient pas au courant de l’utilisation des fonds du club, selon des sources internes.
Le mandat de Khalifa Sarr devait, par ailleurs, prendre fin en septembre 2024 rappellent ses « opposants ». Il n’a toutefois pas convoqué d’assemblée générale. Cette prolongation a créé un nouveau blocage, plusieurs membres du comité appelant à son départ immédiat. Pour eux, l’avenir du club dépend d’une gouvernance plus transparente et collective.
« Nous avons été élus pour un mandat de quatre ans, pas trois. Ceux qui contestent cela auraient dû soulever la question bien avant. Je reste dans mon droit », déclare Sarr. Il voit cette prolongation comme nécessaire pour conclure les réformes entamées et pour assurer une transition en douceur.
Vers une sortie de crise ?
Face à ces multiples accusations, Khalifa Sarr tente de relancer Thiès FC. Il propose notamment de renforcer l’implication des supporters en introduisant des cartes de membres et des cotisations mensuelles pour assurer une base financière plus stable. « Nous travaillons avec les moyens du bord et sommes ouverts à toute aide. L’objectif est de redresser le club et de le remettre sur le chemin du succès », déclare-t-il.
Mouhamed Khalifa Sarr défend la légitimité de ses actions. Selon lui, ses choix, bien que critiqués par certains, ont été motivés par la nécessité de maintenir Thiès FC à flot dans un contexte difficile, notamment après la disparition de Mor Talla Dieng. Sarr estime que son mandat a été marqué par une volonté constante de préserver le club, malgré les obstacles financiers et internes.
Malgré les turbulences, Khalifa Sarr se dit déterminé à conduire Thiès FC vers une période de renouveau. Il a mis en avant plusieurs projets pour revitaliser le club, notamment l’introduction de cartes de membres et un programme de cotisations mensuelles, visant à impliquer davantage la communauté et à assurer une base financière stable. « Le club a besoin de l’unité et du soutien de tous pour avancer. Mon objectif est de remettre Thiès FC sur la voie du succès, et pour cela, nous devons nous adapter et innover », souligne Sarr.
Pour lui, les trois années écoulées, bien que marquées par des crises, ont permis au club de résister à des défis sans précédent. « Nous avons connu des moments difficiles, mais je suis confiant que le meilleur est à venir. Thiès FC a besoin de stabilité, et c’est ce que je m’efforce de lui apporter », conclut-il.
En attendant, la situation reste tendue au sein du club, et l’avenir dépendra probablement de la capacité de Khalifa Sarr à rassembler autour de sa vision et à apaiser les tensions internes.
Khadim DIAKHATÉ
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