L’ancien coach du Dakar Université Club (L2), Abdou Karim Mané, estime que le Sénégal a eu tort d’avoir laissé l’initiative à la Côte d’Ivoire, qui a profité d’un fait de jeu pour égaliser et ensuite décrocher la qualification en quarts de finale, à l’issue des tirs au but (1-1, TAB 4-5), lundi au stade Charles Konan Banny de Yamoussoukro.
Entretien.
Après trois victoires de rang en phase de poules, le Sénégal est éliminé en 8e de finale, lundi 29 janvier 2024, par la Côte d’Ivoire. Vous attendiez-vous à un tel scénario ?
On ne s’attendait pas à cette élimination. C’est vrai que le football a ses aléas. Ce qui m’étonne sur le match, c’est que nous avons laissé l’initiative à l’adversaire pendant 75 minutes. En tant que champion en titre, nous étions dominés dans l’entrejeu. Ensuite, nos joueurs perdaient trop de ballons. Finalement, la défense ivoirienne a pris confiance et sortait les ballons proprement. Alors que nous avons défendu presque 75 minutes. Je ne vois pas l’équipe sénégalaise jouer de la sorte. Si on sait que les Lions peuvent évoluer avec plusieurs systèmes. Ce match, on pouvait le jouer avec un système classique (4-3-3) et les joueurs l’ont maîtrisé. Je suis convaincu qu’avec certains éléments, le match n’allait pas passer de la sorte. On ne peut rien reprocher à Aliou Cissé. Mais, si tu cherches à apporter des critiques, on dira que tu es contre lui. C’est pourquoi les gens n’aiment pas analyser. En tout cas, nous avons favorisé notre défaite contre la Côte d’Ivoire.
Pourquoi dites-vous cela ?
Les dix premières minutes, l’équipe ivoirienne paniquait, surtout au niveau de sa défense. Les défenseurs ivoiriens ont été fixés et, par la suite, nous avons reculé pour leur laisser l’initiative. Ce que je n’arrivais pas à comprendre. On défendait très bas. Avec des joueurs d’expérience comme Kessié, Max Gradel, capables de combiner. C’est vrai qu’ils n’ont pas la force de courir. Mais, ils ont la force de jouer dans les intervalles. C’est ce qui nous a fait défaut. Maintenant, il faut tirer les enseignements parce que nous avons débuté avec trois parfaites victoires en phase de poules (Contre Gambie 3-0, Cameroun 3-1 et Guinée 2-0). Nous avons perdu un match très sérieux face à une Côte d’Ivoire ressuscitée. Donc, il fallait jouer avec un système de jeu clair. Je ne dis pas que Aliou Cissé a joué avec un système non rassurant. Mais, il devait jouer avec un système plus sûr, un système classique que les joueurs maîtrisent. Au-delà des systèmes, il y a les hommes. Lamine Camara, Pape Matar Sarr étaient dominés dans l’entrejeu parce que Franck Kessié y était maître. Il fallait mettre un Nampalys Mendy pour amener plus d’impact afin d’installer le jeu dans le camp adverse.
Donc, le système a fait défaut face aux Ivoiriens ?
Aliou Cissé a réussi à maîtriser le projet de jeu des Ivoiriens. Mais, en défendant très bas. Il y avait beaucoup de risques parce que quand on défend très bas, on n’est pas à l’abri des faits de jeu. Je pense qu’avec le statut du Sénégal, on devait amener notre bloc très haut, essayer de gagner la bataille du milieu et installer le jeu dans le camp ivoirien. Si on l’avait fait, la situation aurait pu changer. Mais, en fin de partie, j’ai vu une défense sénégalaise très fébrile sur les balles aériennes.
Et sur l’arbitrage, peut-on dire que c’était en défaveur du Sénégal ?
L’arbitrage a joué en notre défaveur parce qu’il y a penalty sur le contact d’Ismaïla Sarr. Il y a bel et bien contact, et je ne sais pas pourquoi l’arbitre n’est pas en mesure de siffler ce penalty. Il faut toujours continuer avec la faiblesse de l’arbitrage africain qui n’est pas parmi les meilleurs. Les arbitres de la VAR, aussi, auraient dû insister auprès de l’arbitre afin qu’il vienne regarder cette séquence. Ils ne l’ont pas fait. Parce que la Côte d’Ivoire joue chez elle. Il y a beaucoup de facteurs (économiques, stabilité sociale…) qui jouent en faveur des Ivoiriens.
Que dites-vous de cette élimination ?
En tout cas, c’est une défaite amère à mon niveau que les gens n’oublieront pas de sitôt. Car le Sénégal disposait de la meilleure équipe de la CAN. Il fallait amener quelque chose de rigoureux au fur et à mesure qu’on avançait. C’est vrai, le fait d’avoir des jeunes qui manient le ballon, c’est bien. Mais, le football a ses réalités. Il ne s’agit pas uniquement de savoir jouer. Il s’agit par moments de savoir combattre, de défendre, de sauter plus haut que l’adversaire, de tomber et se relever plus vite que l’adversaire. C’est la dominante du football mondial. On n’avait pas ces armes durant les soixante minutes de jeu. Il fallait amener un Namplays (Mendy) qui ne lésine pas sur les moyens. Je pense que son association avec Gana Guèye dans l’entrejeu pouvait remettre en selle nos attaquants.
Par Cheikh Demba NDIAYE