Depuis quelques jours mon téléphone n’arrête pas de sonner pour une question récurrente ; la gouvernance de la FSF en l’occurrence le nombre de mandats auquel a droit l’actuel Président.
Maître Kamara, Augustin a-t-il droit à un 5e mandat consécutif ?
Le moins que l’on puisse dire c’est que les avis sont très partagés. D’aucuns pensent que l’actuel président peut se présenter indéfiniment donc à un 5e mandat au motif que les textes de la FSF ne s’y opposent pas.
En effet, l’article 40 des statuts de la FSF précisent que « le Président est élu par l’Assemblée générale. Le mandat a une durée de 4 ans … et peut être réélu ». En outre, son bilan sportif avec les sélections nationales serait positif.
En face, d’autres pensent totalement le contraire. En effet, pour eux ou à tout le moins pour la majorité avec lesquels j’ai discuté, Augustin après 4 mandats consécutifs doit partir même s’ils reconnaissent des progrès durant notamment son 4e mandat. Au demeurant, il ne s’agit même pas de juger son bilan pour apprécier s’il reste ou pas mais d’une question de principe, d’héritage et de tradition démocratique du Sénégal qui doit s’appliquer également en matière sportive.
Qu’est-ce que j’en pense ?
A vrai dire, pour ma part, la réponse est simple car si les statuts de la FSF restent vagues sur le sujet, pas à cause de leur imprécision mais à cause de leur ancienneté, les textes des fédérations internationales sportives comme la FIFA et CAF dont dépendent la FSF ou encore les textes français plus tranchent clairement la question.
En effet, les statuts de la FSF sur la question du nombre de mandats du Président de la FSF datent du 22 avril 2010. Or, depuis 14 ans, beaucoup d’eau ont coulé sous le pont de la gouvernance des fédérations sportives. Et comme d’habitude, les dirigeants de notre fédération ne se sont jamais mis à niveau malgré les promesses électorales de changer les textes. Nous subissons par conséquent, cet immobilisme statutaire dont « le seul véritable écueil demeure le nombre de mandats avec l’installation de véritables systèmes pérennisés par des modes électoraux souvent trop favorables pour les hommes en place ».
Force est de constater par ailleurs que le football local doit réinventer un modèle plus favorable à son vrai professionnalisme et donc à sa rentabilité.
Sur le plan international que ça soit dans certaines législations nationales ou les règlements sportifs des fédérations internationales ou grandes fédérations nationales, toutes disciplines confondues, les mandats sont limités à 3.
En effet, l’article 33 alinéa2 des statuts de la FIFA « le Président est élu par le Congrès. La durée de son mandat est de 4 ans … le nombre total de mandat du Président est limité à 3 (consécutifs ou non) ».
En outre, l’article 22 alinéa 8a et 8b des statuts de la CAF précisent que « la durée du mandat du Président est de 4 ans…Le Président et les membres du COMEX ne peuvent être élus pour plus de 3 mandats consécutifs ».
En France, l’article 26 alinéa 4 des statuts de la FFF précise qu’ »une même personne ne peut exercer plus de 3 mandats de Président de FFF de plein exercice, qu’ils soient consécutifs ou non ».
Cet article est en réalité une application des dispositions de la loi n°2022-296 du 2 mars 2022 qui vise à favoriser la vie démocratique dans les instances dirigeantes des fédérations sportives et des ligues professionnelles qui s’applique aussi bien en matière de limitation de mandat, de parité que de transparence dans la déclaration de patrimoine et d’intérêts.
Par conséquent, ma réponse est NON. L’actuel Président de la FSF n’a pas à un éventuel 5e mandat, au regard de ce qui se pratique actuellement dans la gouvernance démocratique des fédérations sportives internationales et nationales. Et le Sénégal qui est l’une des plus grandes démocraties politiques au Monde doit également l’être sur le plan sportif.
Maître Moustapha KAMARA
Docteur en droit du sport, MBA management
Professeur à Paris Business School
Avocat à la Cour