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Dieylani Fall contre Cap-Vert

Première grande vedette du football professionnel au Sénégal, Dieylani Fall était promis à un bel avenir. Hélas l’ancien attaquant du Jaraaf, transféré à l’AJ Auxerre en 2011 pour un contrat de quatre ans et demi, n’a pas eu une carrière de footballeur à la hauteur de son talent. Il ne s’en plaint pas. «Je me suis entraîné à fond, j’ai joué, le reste c’est la volonté divine», avance le Thiessois même s’il concède qu’avec le recul il aurait pu faire, par moments, d’autres choix. Dans cet entretien avec Dsports.sn, Dieylani Fall, plein d’humour et grand passionné de football, dit tout.

Dieylani Fall a-t-il mis fin à sa carrière de footballeur ?

Mais non. Je suis là, à Mbour (rires). Dieylani Fall joue toujours au football. Je m’entraîne avec Mbour PC. C’est ma passion. Le foot, c’est ce que j’aime le plus. Ça me rend heureux de jouer. Depuis que je suis petit, je prends plaisir à chaque fois je rentre sur un terrain de football. Donc je jouerai, je pense, jusqu’à ce que mon corps dise stop. Mais, il n’empêche que je commence déjà à penser à ma reconversion. Ce sera très certainement dans le football. Peut-être comme coach ou manager.

Je verrai d’ailleurs avec les dirigeants de la Ligue de Thiès si je peux commencer à passer mes diplômes. Mais il ne faut pas croire que j’arrête tout de suite le foot. J’ai un challenge. Si je ne voyage pas encore cette année, je veux jouer la saison prochaine en Ligue 1. Et l’objectif sera de terminer meilleur buteur. Je sais que j’en suis capable et que je peux vraiment aider une bonne équipe de Ligue 1. Cristiano Ronaldo a bien terminé meilleur buteur du championnat d’Arabie saoudite non ? Ma mère est entre de bonnes mains et je peux donc aller jouer dans une autre ville que Mbour. C’est le challenge que je me fixe et je vais bien m’entraîner pour inch Allah attaquer la prochaine saison de la meilleure des manières.

Justement, à votre retour pourquoi vous avez choisi Mbour PC alors que vous avez connu vos plus belles heures dans le championnat sénégalais au Jaraaf ?

Quand je suis rentré du Sénégal pour la première fois, je suis d’abord allé au Jaraaf. On a gagné le championnat en 2018. Je peux donc dire que je fais partie des porte-bonheurs du Jaraaf (rires). J’ai pris le championnat avant d’aller à Auxerre. Et lorsque je suis revenu, on l’a gagné à nouveau. Je ne suis pas resté après ce sacre parce que j’avais eu quelques opportunités et j’ai voyagé encore. Mais je n’ai pas duré. Quand je suis revenu, j’ai décidé de venir m’installer à Mbour parce que ma mère y habite. J’ai préféré la rejoindre et rester à ses côtés. C’est pourquoi j’ai commencé à m’entraîner à Mbour PC où j’ai fini par signer un contrat.

Quand on prononce le nom Dieylani Fall, tout le monde pense à la finale retour entre le Jaraaf votre équipe d’alors et Niary Tally. Ce match est-il inoubliable pour vous ?

(Il réfléchit). Une finale, ça marque. C’est un grand match. Ce sont des rencontres que tous les joueurs adorent vivre. Et quand tu veux te faire connaitre, il faut marquer ton empreinte dans ce genre de rendez-vous. Ça reste gravé à jamais. Parce que c’est un match unique et tout le monde ne regarde que ça.

Pouvez-vous revenir sur ce match ?

On avait perdu la finale aller (1-0) et il était inconcevable pour nous de ne pas gagner le match retour. On avait vraiment décidé d’honorer le statut du Jaraaf. Pendant une semaine après la finale aller, nous sommes allés à Thiès dans une résidence. Thiès, c’est ma ville. C’était déjà prémonitoire (rires). Le staff et les dirigeants voulaient que l’on soit beaucoup plus soudé, que l’on soit coupé de tout afin de préparer le match sans pression extérieure. Et le jour-j, toute l’équipe avait vraiment rendu une belle copie pendant 90 minutes. On avait fait une performance collective aboutie. J’ai marqué deux superbes buts et on a gagné 3-1.

Peut être une image de 2 personnes, personnes jouant au football, personnes jouant au foot et texte qui dit ’COCA ID SPORTS’

                              «Vous ne pouvez pas laisser une équipe née avant-hier nous battre»

A l’époque, Lamine Dieng était le coach du Jaraaf. Comment était-il parvenu à vous remettre au taquet ?

Lamine Dieng était exceptionnel. Qu’Allah ait pitié de son âme. Il était toujours serein et avait, à chaque fois, un bon petit conseil à donner. Il dégage une grande confiance. Mais celui qui avait vraiment joué un très grand rôle dans ce sacre et qui avait très bien motivé le groupe, c’est Ndoffène Fall. Quand il nous a retrouvés en regroupement, il s’est aussitôt assis par terre et il a dit aux joueurs : ‘’Que se passe-t-il, vous voulez nous couvrir de honte ? Nous sommes le grand Jaraaf. Vous ne pouvez pas laisser une équipe née avant-hier nous battre en finale’’. Il a été un joueur comme nous, il a porté les couleurs du Jaraaf et il sait quel discours tenir à chaque moment du parcours d’une équipe. Il a toujours les bons mots pour booster la confiance d’un groupe.

C’est comme le lutteur quand il s’apprête à entrer dans l’arène, il y a des mots qui décuplent sa confiance. Ndoffène sait les trouver quand il parle aux joueurs. Il est incomparable dans ce rôle. Pendant toute la semaine du regroupement avant la finale retour, Ndoffène Fall mettait dans la résidence la chanson de Kiné Lam «Diaraf» (rires). A partir de là, on n’avait qu’une envie, entrer sur le terrain et défoncer l’adversaire. La vraie chance du Jaraaf, c’est vraiment d’avoir de très grands dirigeants. Et à chaque fois que l’équipe a un match important, tu le ressens.

Au lendemain de cette finale et donc de votre doublé, Amara Traoré vous convoque en équipe nationale A du Sénégal pour jouer contre Cap-Vert, et vous apparaissez avec le dossard numéro 11 de El Hadji Diouf…

El Hadji Diouf, c’est mon idole, ça je ne l’ai jamais caché. C’est un joueur que j’aimais beaucoup. Donc, quand j’arrive en sélection et que son numéro est disponible, je le prends. C’est un rêve qui venait de se réaliser. Un des premiers objectifs quand tu es joueur de football, c’est d’arriver à porter le maillot national. Et le porter avec le numéro de son idole, c’était grandiose. Peut-être à cause de ça, il y a eu après de très grandes attentes. Parce que certains disaient que c’est le nouveau El Hadji Diouf.

Surtout qu’après, vous signez à Auxerre…

Thierno Seydi était mon agent. Une très bonne personne. Mady Touré m’a aussi prodigué de très bons conseils à l’époque. Vraiment de très bonnes personnes. J’ai ainsi signé quatre ans et demi à Auxerre. J’ai commencé par la réserve. Cela se passait bien au début parce que j’ai fini meilleur buteur de la réserve lors de ma première saison. Après je suis parti en prêt à Amiens. J’ai fini par aller au Wydad Casablanca (Il marque un long temps d’arrêt). Thierno Seydi me dit souvent, ’’j’ai eu beaucoup de joueurs mais ton cas est celui qui m’interpelle le plus’’.

Il me dit aussi : ‘’je ne sais pas pourquoi tu n’es pas allé beaucoup plus haut’’. Je lui réponds, ‘’c’est cela mon destin. C’est ça la volonté divine. Ceux qui me connaissent savent que j’ai fait ma part du boulot. J’ai fait le nécessaire. Je ne regrette rien. C’est ainsi que cela devait se passer. Je rends grâce au Bon Dieu. C’est cela qui m’était réservé. Il y a plein de gens qui s’entraînent également pour signer professionnel en Europe et qui n’ont pas eu cette chance. Je n’ai donc pas le droit de m’apitoyer sur mon sort’’.

                          Dieylani Fall :    «Il y a certains choix que je n’aurais pas refaits»

Après Amiens, pourquoi vous n’êtes pas resté en France ?

Parce que le Wydad Casablanca me proposait un très gros contrat avec de belles primes. C’était vraiment un bon contrat. A l’époque, c’était John Toshack le coach. C’est un grand nom. Il a même entraîné le Real Madrid et Tottenham. Quand il m’a vu jouer, il a dit aux dirigeants ‘’mais où avez-vous déniché ce joueur?’’. On a gagné le championnat et la Coupe, la  première année. Mais vous savez, les clubs arabes des fois ils vous promettent de très grandes choses qu’ils ne respectent pas. Je peux dire que le Wydad me doit une très forte somme.

Combien exactement ?

Ça doit tourner aux alentours de 300 mille euros entre salaires et primes. C’est pourquoi j’ai mis fin à mon contrat et je suis parti au Koweït ensuite. Ce sont des moments très difficiles qui te sapent le moral. Quand tu joues et que le club ne te paie pas, c’est décourageant.

Mais pourquoi vous n’avez pas poursuivi le club en justice ?

Vous savez dans ma vie, pour être honnête et avec le recul, il y a certains choix que je n’aurais pas refaits. Je croyais tellement en mon talent que j’étais un peu têtu. Quand on me parlait, je disais ce n’est pas grave, je vais résilier mon contrat et je vais trouver rapidement une autre équipe parce que j’ai du talent et je suis jeune. Quand je quittais donc le Wydad, mes conseillers m’ont dit d’attendre d’être payé. J’ai répondu que c’était une perte de temps. J’ai même dit ‘’Bayi na leine ak Yallah’’. Si c’était à refaire, j’allais les poursuivre. Après comme je l’ai dit tout à l’heure, je crois en Dieu et je sais que je ne peux avoir que ce qui m’était réservé. C’est ça quoi. C’est la vie. Chacun fait des erreurs.

Revenons en 2011, vous jouez tous les matchs de qualification aux JO 2012 mais vous n’êtes pas sélectionné pour le barrage contre Oman. Que s’est-il passé ?

Oui, j’ai pratiquement participé à tous les matchs des qualifications et à la CAN aussi. Je marque des buts importants comme celui qui nous qualifie contre l’Angola dans un match très difficile. D’ailleurs après la CAN U23 où nous finissions quatrièmes, le coach de l’époque Abdoulaye Sarr avait effectué une tournée européenne. Il est venu jusque chez moi et on a beaucoup échangé. Malheureusement au moment des barrages, je suis tombé malade. J’avais une très grosse fièvre. C’est pourquoi j’ai manqué le barrage et les JO ensuite. Je me rappelle que cette année-là, j’ai même raté le début de la préparation d’avant-saison d’Auxerre parce que j’étais malade.

Vous croyez au mauvais œil ou aux xons (pratiques mystiques) ?

Hahaha. Au début vous n’y croyez jamais. Mais comme on dit ‘’ Ku ndóbin rey sa maam, foo séénati lu ñuul daw’’. Quand tu traverses énormément de choses, tu commences à réfléchir. Le mauvais œil existe. Le mystique aussi. Après comme j’ai dit, quand on croit en Dieu on ne peut pas s’attarder sur certaines choses. Il y a des personnes qui sont décédées jeunes. Il y a des gens qui sont nés pauvres. D’autres ont grandi dans des pays en guerre. J’ai par exemple un frère Chérif décédé en 2011 alors que lui aussi était un bon footballeur. C’était un ami, un jumeau, presque. Donc quand tu vois ce genre de choses, tu ne peux pas trop te plaindre de ton sort.

Aujourd’hui, quels conseils donneriez-vous à un jeune talent sénégalais qui veut faire une bonne carrière ?

Il m’arrive souvent de conseiller les jeunes. Parce que comme je l’ai dit, le foot est ma passion. Je dis aux jeunes très clairement ‘’si vous faites ça, vous allez réussir’’. Je leur dis aussi, ‘’entraînez-vous comme il le faut. Rapprochez-vous de ceux qui connaissent le haut niveau et écoutez leurs conseils. Quel que soit votre talent, il y a eu des joueurs plus talentueux que vous et qui n’ont pas réussi dans le football. Il faut donc beaucoup travailler et être persévérant’’.

                                    «En navétane, j’ai joué avec la licence d’un Nigérian jusqu’en finale»

Avant votre arrivée au Jaraaf, on vous appelait le Nigérian. Pourquoi ?

A Louga, j’ai joué la phase nationale de navétanes avec l’ASC Penc. J’étais très bon. Et l’ASAC Ndiambour m’a engagé. Ensuite je suis venu jouer les navétanes à Dakar avec Walidaan de Yarakh. Je vais vous raconter l’histoire. Je ne l’ai jamais racontée dans les médias même si c’est une histoire connue. Je jouais avec la licence d’un Nigérian. Comme il avait des tresses, j’ai aussi fait des tresses pour lui ressembler (rires). Beaucoup pensaient donc que j’étais un étranger. J’ai joué ainsi jusqu’en finale. Nos adversaires ont découvert la supercherie. Je n’ai donc pas joué la finale et on a perdu. A Ndoffène Fall, les recruteurs avaient proposé de recruter à la fois l’attaquant du Ndiambour et celui de Walidaan de Yarakh. Or, ce n’était pas deux personnes. C’était moi (rires).

En sélection comme en club, quels sont les joueurs qui vous ont le plus impressionné ?

En équipe nationale, les joueurs qui m’ont le plus impressionné étaient Mamadou Niang, Papis Demba Cissé, Moussa Sow. Tu vois, je suis tombé sur une génération d’avant-centre talentueux. Devant les buts, ils étaient très cliniques. J’ai beaucoup appris à leurs côtés. Khadim Ndiaye aussi m’a beaucoup impressionné. C’était un gardien talentueux avec un énorme potentiel. En club à l’AJ Auxerre, il y avait Benoit Pedretti. Sa qualité de passe était au-dessus de la moyenne. J’ai beaucoup aimé sa capacité à prendre l’information à temps et à donner le ballon dans le bon tempo. Dominique Gomis au Jaraaf avait pratiquement les mêmes qualités. Il était la sentinelle de l’équipe. Et des fois, il me disait dès que je récupère le ballon, fais un appel et je te sers.

Certains disent que le décès de votre papa vous a beaucoup affecté. Quelle était votre relation ?

Il était rigoureux. Par moments, il me reprochait de ne pas me voir plus souvent mais on se parlait beaucoup au téléphone. Il y a énormément de choses qu’il m’a confiées et que je ne peux pas étaler dans la presse. Son décès m’a vraiment affecté. J’étais à l’époque au Wydad.

Par Demba VARORE

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