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Mohamed Ndiaye CAN des amputés

Moustapha Ndiaye, né à Dakar, a eu une enfance normale. Enfin, jusqu’à l’âge de 13 ans et ce jour maudit où le gardien du dispensaire Norade, situé aux Parcelles Assainies, a pris le relais des médecins pour lui administrer une injection de sérum. Une injection fatale, provoquant une infection grave et une nécrose des tissus au niveau de la jambe gauche. Pour ne pas mourir, l’adolescent fut amputé. Des moments difficiles qu’il arrivera, à force d’abnégation, par surmonter. Tailleur de profession et footballeur par passion, il est aujourd’hui chef d’entreprise et défenseur au sein de l’équipe du Sénégal des amputés.

Pour le Sénégalais, amoureux du football (ou pas), 2002 représente une année extraordinaire. Inoubliable. El Hadj Diouf et ses copains emerveillent l’Afrique et au Mali et choquent le monde en Corée du Sud. Pour Mohamed Ndiaye en revanche, cette année réveille en lui des souvenirs douloureux. C’est le basculement. L’année où il est fauché par une tragédie qui change à jamais le cours de sa vie.

«L’aiguille a touché ma veine et une particule y est restée»

Adolescent plein de rêves, gamin sans histoire, amoureux du ballon rond qui ne manque jamais l’occasion de tapoter le cuir avec ses amis, il voit le destin le faucher à 13 ans. Ca fameux jour où le gardien du dispensaire Norade s’est pris pour un infirmier lors d’une campagne de vaccination. Ce qui aurait dû lui prévenir de futurs maux le plongea à vie dans un handicap. Le vaccin de l’horreur. « Non seulement une partie de l’aiguille de la seringue a touché une veine, mais une particule y est restée aussi », se remémore avec amertume Mohamed Ndiaye.

« J’ai été interné à l’hôpital Le Dantec pendant plusieurs semaines avec ma grande sœur, car ma jambe avait fait une légère rotation après cet accident. J’ai subi trois opérations au niveau de la jambe gauche. Après plusieurs tentatives les médecins n’ont pas réussi à faire sortir la particule d’aiguille de ma jambe gauche, et ils ont dit à mes parents que si la jambe n’est pas amputée, l’infection va continuer son petit bout de chemin, et elle va atteindre le ventre qui va certainement me tuer. Le médecin a dit à mes parents : ‘’la situation était extrêmement critique. Nous avons tout fait pour éviter l’amputation, mais la nécrose se propageait rapidement. L’amputation est la seule option pour sauver Mohamed’’», ressasse-t-il.

Sa famille, sa première béquille

C’est le début d’une autre vie. Un destin tragique qu’il ne s’attendait pas à avoir. Mais loin de se résigner et de morfondre toute sa vie, il décida de surmonter toutes les dures épreuves. Sa mère et sa sœur qui, l’élèvent alors qu’il a perdu très tôt son papa, deviennent ses premières béquilles. Ses femmes de sa vie, déterminées à lui offrir une vie normale et enrichissante, l’ont encouragé à pratiquer divers sports dès son plus jeune âge.

En 2007, Mohamed Ndiaye est envoyé à l’école coranique Koki, dans la région de Louga. Il y passe trois années durant lesquelles il apprend le coran. De retour dans la capitale, il fréquente une école franco-arabe à Pikine, avant la mort de sa mère qui assurait jusque-là sa scolarité. Un de ses oncles prend le relais avant que Mohamed décide d’abandonner l’école définitivement pour faire une formation en couture. « En 2009 j’ai commencé le métier de tailleur. J’ai subi 4 ans de formation et Dieu merci depuis 2023, j’ai ma propre entreprise et je gagne bien ma vie ».

Alpha Ndiaye, l’infatigable soutient des amputés

A côté de sa profession, il y a sa passion le ballon rond. Comme pratiquement tous les gamins de Dakar, il adore jouer au foot. Malgré son handicap, Mohamed Ndiaye commence à jouer au football trois jours après l’amputation avec ses amis. « Je jouais les matchs de dimanche avec les amis. Un de mes potes m’a ensuite mis en contact avec le club 5 Colores du coach Alpha Ndiaye ».

Il intègre le club des Juniors Amputés de 5 Colores, où il perfectionne son jeu et développe un style unique adapté à ses capacités physiques. « On joue avec des béquilles en aluminium et des godasses avec protèges tibias comme les joueurs la seule différence ce sont les béquilles. Je m’entraîne du lundi au vendredi et je fais deux séances par jour. Il y a eu des moments difficiles, bien sûr. Les gens ne comprenaient pas toujours comment un garçon avec une jambe en moins pouvait jouer au football. Mais j’ai appris à utiliser leurs doutes comme une source de force. Je ne recevais pas de commentaire négatif, mais leur réaction me poussait à m’entraîner encore plus dur ».

D’après Mohamed c’est grâce au Coach Alpha que tous les joueurs qui avaient des problèmes d’équilibre sur le terrain, ou de maîtrise des béquilles ont pu développer leur technicité pour arriver à un certain niveau.

« Le handicap c’est une question de mental »

Le handicap est souvent perçu à travers le prisme des limitations physiques, sensorielles ou cognitives. Cependant, au-delà des aspects visibles et mesurables, il existe une dimension importante qui influence profondément la manière dont une personne vit avec son handicap : le mental. La résilience, la détermination et l’attitude positive sont les armes sur lesquelles Mohamed Ndiaye s’appuie pour transformer les défis en opportunités.

« Moi par exemple, pour rien au monde je ne vais tendre ma main pour demander de l’aide à quelqu’un. Malgré un handicap, on peut trouver un travail décent qui nous permette de subvenir à nos besoins. Il ne faut pas laisser la société nous téléguider, nous avons notre mot à dire, nous devons faire partie de ceux qui travaillent pour ce pays. Au Sénégal on a cette fâcheuse culture de stigmatiser les handicapés. Pour la plupart de la société, notre seul sort c’est d’aller mendier. C’est aux autorités de prendre en compte besoins dans leurs programmes », souligne Mohamed Ndiaye. S’il milite pour le droit des handicapés, il préfère toutefois ne pas participer activement à des campagnes de sensibilisation et à des programmes d’inclusion sportive.

Coupe d’Afrique des amputés manquée faute de moyens

Grâce à sa détermination et son abnégation, Mohamed Ndiaye a intégré l’équipe du Sénégal des amputés dirigée par Alpha Ndiaye. La sélection devait d’ailleurs participer à la Coupe d’Afrique des amputés qui se déroulent actuellement en Egypte. Mais faute de moyen l’équipe ne s’est déplacée. « Les autorités doivent aider cette équipe et le football des amputés à se structurer. Nous voulons un championnat digne de ce nom. Là par exemple, nous ne participerons pas à la CAN par manque de moyens. Nous avons été informés à quatre jours de la compétition par les autorités. C’est scandaleux. Nous lançons un appel aux internationaux comme Sadio Mané de venir en aide à cette équipe ».

Mohamed est plus qu’un simple joueur de football ; il est une source d’inspiration pour des milliers de personnes, prouvant que les limites ne sont souvent que des obstacles à surmonter. Son parcours extraordinaire est un témoignage de résilience, de passion et de la puissance de la volonté humaine. Que ce soit sur le terrain ou en dehors, Mohamed continue d’inspirer et de motiver les gens à croire en leurs capacités et à poursuivre leurs rêves, peu importe les défis auxquels ils sont confrontés.

Khadim DIAKHATÉ

2 comments on “Portrait : Mohamed Ndiaye, amputé à 13 ans et défenseur de l’équipe du Sénégal

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