A LA UNE Reportage

Jaraaf – HLM : Entre chants d’Assiko et explosions de colère; le derby qui embrase Dakar

À Dakar, un match entre le Jaraaf et les HLM ne se joue jamais à onze contre onze. Il se joue dans les tribunes, dans les ruelles, dans les cœurs. Ce dimanche, le derby a encore prouvé que le football sénégalais est un théâtre où chaque geste, chaque note, chaque mot a sa résonance, même si le résultat final était 1-1.

Avant le coup d’envoi : promesse d’une tempête

Dès l’après midi, le parfum du derby flotte dans l’air chaud. Aux abords du stade, les marchands installent leurs étals, les enfants jouent à imiter leurs idoles, les chants commencent à monter.
Le Jaraaf, fidèle à son prestige, arrive en ordre et en confiance. Les HLM, eux, débarquent sans sono, sans moyens apparents, mais avec une foi de béton. Leur public, serré dans les gradins, compense le manque de décibels par une ferveur à vif : ça crie, ça chambre, ça prie.

Sur la pelouse, un détail intrigue : tous les joueurs des HLM portent deux bandeaux rouges aux poignets. Un signe d’unité, presque un serment silencieux ou d’un rituel d’équipe ?

Et puis, dans ce décor sonore, Baxaw entre en scène. Le chef d’orchestre du Assiko, micro à la main, tambours en feu, galvanise la tribune. Sa voix traverse le stade, rugueuse et puissante, mi-chant, mi-incantation.

Quand Falilou Fall s’avance pour tirer le penalty du Jaraaf, Baxaw le vise directement dans son chant : « Aladji Fallo Bax, Fallou magu Bassiro Bax, Fallou Galass Baye Mbennoooo ! » Un mélange d’humour, de défi et de folklore. Les tambours redoublent, les mains frappent en rythme, la tension est à son comble.

Fallou Fall s’élance… et le ballon rase le côté droit du portier Ibrahima Dieng. Explosion générale. Les HLM exultent, les supporters hurlent, les insultes fusent. Dans les gradins, même les gendarmes esquissent un sourire gêné. Le stade vibre, vivant, indomptable.

Sur la pelouse : du jeu, des douleurs et des nerfs

Le match se durcit. Les duels sont secs, les visages crispés. Elhadji Mbaye Fall, le numéro 9 des HLM, brille de mille éclats : jeu dos au but, déviations intelligentes, gestes justes. On sent chez lui le talent pur, le flair de l’attaquant né.

Pendant ce temps, le gardien des HLM, Ibrahima Dieng, intrigue : il change deux fois de gants en plein match. Certains pensent à un porte-bonheur, d’autres à un stratagème mystique. En réalité, confiera-t-il plus tard : « J’avais un souci au doigt. Une douleur qui me lançait depuis l’échauffement. J’ai serré les dents, mais je sentais plus mes doigts. » Un détail de plus dans cette fresque d’intensité.

Les vestiaires : les nerfs lâchent

Après le coup de sifflet final, le stade devient un volcan. Dans les couloirs, les cris montent. Youssou Dial, figure du Jaraaf, est hors de lui. Même Zigui, habituellement calme et pondéré, s’emporte. Les mots fusent, les gestes se crispent. Il a eu un échange tendu avec un dirigeant des HLM, regards noirs, mots lourds, tension palpable.

Du côté des HLM, Yahiya, l’homme au teint clair, ne cache pas sa colère. Il reproche à certains supporters du Jaraaf d’avoir attendu les joueurs des HLM à la sortie pour en découdre. Sa voix claque dans le couloir : il vocifère, tempête, exige qu’on protège ses gars. L’air est lourd, irrespirable.

La sortie : la colère déborde

La nuit tombe sur un décor de tension. Le bus des HLM avance lentement vers la sortie du stade. Soudain, des projectiles volent. Des hommes s’en prennent au véhicule. Vitres brisées, cris, confusion générale. Du côté des HLM ils pointent du doigt les supporters de Jaraaf, ces derniers nient catégoriquement cet acte.

Épilogue : le derby comme miroir

Ce Jaraaf–HLM n’a pas seulement offert un spectacle. Il a montré la double face du football sénégalais : celle de la passion, brute et magnifique, et celle de la colère, souvent incontrôlée. Avec les chants d’Assiko de Baxaw, les bandeaux rouges des HLM, les gants meurtris de Dieng et les vociférations des dirigeants, ce derby aura été une fresque vivante de ce que le foot représente à Dakar : une bataille d’amour, d’orgueil et d’appartenance.

Khadim DIAKHATÉ

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