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A Saint-Louis, le football patine. La Linguère, première équipe à remporter le championnat professionnel du Sénégal en 2009, patauge en Ligue 1. Ndar Guedj et Saint-Louis FC, qui étaient sur une bonne lancée, ont disparu des radars. Qu’est-ce qui explique ce déclin du football de cette ville qui a vu éclore plusieurs grands talents ? Dsports a interrogé Daouda Sène, correspondant du journal Stades à Saint-Louis depuis plus de 15 ans.

Entretien

Daouda Sène, la Linguère vient de se prendre un 4-0 contre Dakar Sacré-Cœur ce samedi et elle reste la pire attaque de Ligue 1 (10 buts). Qu’est-ce qui explique cette situation ?

Les soucis de la Linguère, ce sont les moyens. Mais aussi le talent. Il faut reconnaitre que Saint-Louis manque actuellement cruellement de talents. Et aussi il n’y a aucune infrastructure digne de ce nom dans la ville. Il n’y a presque plus de terrain où les jeunes footballeurs peuvent jouer convenablement. Il est difficile quand vous manquez de tout cela de performer.

Et au niveau des encadreurs, y a-t-il assez de techniciens bien qualifiés ?

Il n’y a pas longtemps, j’ai entendu Mourchid Iyane Ly ancien attaquant de la Linguère et ancien international faire remarquer que cela fait très longtemps que Saint-Louis n’avait pas organisé de stage d’initiateur de football. Il déplorait le fait qu’il ne puisse pas avoir l’opportunité de passer son diplôme d’entraîneur 1er degré. Saint-Louis est en retard dans la formation des formateurs. Regardez l’exemple de Baye Moussa Camara. Il était dans la même promotion qu’Ansou Diadhiou. Ce dernier a eu l’opportunité d’entraîner au Casa Sports, d’être champion et de gagner la Coupe du Sénégal. Or Baye Moussa est toujours là.

En tant qu’entraîneur Amara Traoré a trouvé la Linguère en eaux troubles, il l’a sauvée et hissée au sommet. Des années plus tard, il est revenu dans la peau du président. A-t-il l’étoffe d’un bon président ?

Amara Traoré a bien l’étoffe d’un bon président. Il a été joueur, entraîneur et il a passé des cours en management. C’est une personne légitime pour diriger la Linguère. Il connaît bien le football de haut niveau. Seulement la Linguère n’a pas les moyens qu’ont Jaraaf, Génération Foot et Diambars.

Mais n’est-ce pas le rôle du président d’aller chercher les moyens ?

Oui c’est vrai que c’est au président qui a demandé à être élu d’aller chercher les moyens. Il doit mettre une stratégie pour attirer des fonds mais le manque de moyen à Saint-Louis ne concerne pas tout simplement le football. C’est le problème d’autres disciplines et d’autres secteurs que le sport.

«Les conflits à Saint-Louis ont fait beaucoup de dégâts»

Le partenariat avec Gueugnon noué en 2021 ne semble avoir aucun impact sur le club ?

Le partenariat avec Gueugnon (France) avait suscité des espoirs. C’est un club qu’Amara Traoré a marqué de son empreinte. On ne connaît toutefois pas tous les contours du partenariat. Mais lorsqu’ils ont rencontré la presse, les dirigeants de la Linguère avaient expliqué qu’ils cherchaient une vitrine. Qu’ils n’y gagnaient pas d’argent. Depuis que Mohamed Rassoul Ba et Mouhamed Diallo sont partis en 2021, il n’y a plus d’autres joueurs transférés. C’est peut-être dû à la position des deux équipes. Gueugnon est en National 2 (4e division France) et la Linguère depuis quelques années ne parvient pas à être parmi les meilleurs clubs de Ligue 1 au Sénégal.

Pensez-vous que les conflits au niveau de la Ligue de Saint-Louis soient aussi une des causes de cette mauvaise passe ?

En football, les conflits et les bons résultats ne font pas bon ménage. Ces bisbilles ont quand même un peu ralenti le développement du football saint-louisien. Les conflits internes dans le sport existent fréquemment mais il faut savoir aller à l’essentiel et dépasser les querelles. Or, à un moment donné à Saint-Louis, cela a dépassé une saine rivalité. C’était devenu de l’animosité. Ce n’est pas bon de dépasser le cadre de la rivalité. Une concurrence peut aider à développer le football. Al Ahly et Zamalek sont rivaux et se font la concurrence. Cela permet d’être ambitieux et d’avancer.

A coté de la Linguère, d’autres clubs comme Saint-Louis FC et Ndar Guedj de Pape Waigo Ndiaye commençaient à émerger. Qu’est-ce qui explique leur disparition ?

Ndar Guedj et Saint-Louis FC souffrent des mêmes maux. Les conflits à Saint-Louis ont fait beaucoup de dégâts. A un moment, les jeunes talents de 15-16 ans, on leur disait d’aller à Dakar pour avoir de la visibilité. Ndar Guedj était pourtant sur une bonne lancée avec l’ancien international Pape Waigo Ndiaye comme président. Il y a toutefois eu une vingtaine de joueurs qui ont quitté Ndar Guedj pour la Linguère et ça a été à l’origine de beaucoup de conflits.

A Saint-Louis, El Hadj Ousseynou Diouf représente-t-il toujours une icône ; les Saint-Louisiens n’ont-ils pas l’impression qu’il a abandonné la ville ?

El Hadji Diouf le footballeur reste toujours une icône à Saint-Louis. C’est une légende africaine même je dirais. Mais l’homme El Hadj Diouf, on ne le ressent pas. Le footballeur à 35 ans, il prend sa retraite mais l’homme peut vivre jusqu’à 100 ans. Comparativement à Amara Traoré, on ne ressent vraiment pas El Hadj Diouf. Les Saint-Louisiens espéraient, qu’avec son aura, que Diouf puisse participer à attirer des partenaires. Il n’y a rien de cela. Mais il n’est pas le seul. On peut citer Makhtar Ndiaye et d’autres anciens internationaux.

Les clubs de Ligue 1 qui viennent jouer au stade Mawade Wade se plaignent de la pelouse, est-elle devenue si impraticable ?

On le décrie depuis des années. Jouer sur cette pelouse du stade Mawade Wade est dangereuse. Dernièrement il y a eu la blessure de l’attaquant de Génération Foot, Idrissa Guèye. Et puis les contrôles de balle sont devenus difficiles sur cette pelouse. Il était question de délocaliser le stade Me Babacar Sèye et de construire un nouveau stade. Personne n’en parle plus. Si rien n’est fait, la saison prochaine on risque de délocaliser les matchs des clubs de Saint-Louis à Louga et ce serait une catastrophe. Ce serait la mort du football saint-louisien. Les autorités doivent donc agir.

Le maire Mansour Faye parlait d’une construction d’un nouveau stade. Le projet est-il toujours d’actualité ?

Yankhoba Diattara lorsqu’il était ministre des Sports est venu jusqu’à Saint-Louis, précisément à Ngalèle, pour visiter le site où étaient prévus les travaux en compagnie du maire Mansour Faye. Il a dit que c’est déjà budgétisé. Cependant depuis lors, nous n’avons plus eu de nouvelles. On espère que la nouvelle équipe gouvernementale ne rangera pas le projet dans les tiroirs. Si le stade est construit ce serait vraiment un grand ouf de soulagement pour le football saint-louisien.

Propos recueillis par Demba VARORE

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